Sorti pour le salon d’Essen à l’automne 2013, où il s’était déjà bien illustré, Bruxelles 1893 a reçu le Prix Spécial du Jury de l’As d’Or, le prix pour les joueurs aguerris. Après le succès de Tournay ou encore Ginkgopolis chez le même éditeur, il fallait absolument que j’essaie ce nouveau jeu de Pearl Games.

Le jeu repose sur la juxtaposition de plusieurs idées tant au niveau du thème (construction d’édifices, marché de l’art, influence auprès de notables) que des mécanismes (pose d’ouvriers, majorités).
La thématique est assez simple : Nous sommes à la fin du XIXème siècle et les joueurs sont des architectes qui vont construire des bâtiments de style Art Nouveau à Bruxelles. En parallèle, le marché de l’art bat son plein et il sera possible de spéculer sur des œuvres d’artistes.
Au niveau des mécanismes, on reste dans la pose d’ouvriers tant à la mode depuis quelques années. Cela permet des tours de jeu rapides, et des choix toujours difficiles car il faut savoir optimiser ses placements en fonction des actions des adversaires.
Mais ici, la pose de chaque ouvrier aura également une incidence sur l’attribution de bonus et de points de victoire (majorités), ce qui vient légèrement compliquer le choix. A tel point d’ailleurs que cela fait trop de paramètres à gérer et que ça ralentit un peu inutilement les tours (car il est impossible de prendre en compte 4 paramètres pour chaque action disponible pour poser son ouvrier). Pire, cela perd un peu les joueurs lors de leur première partie.

Les choix sont très nombreux, et il existe de nombreuses façons de marquer des points de victoire, même si le but est tout de même de construire tous ses édifices et d’optimiser son score. Mais ce que je reproche au jeu, c’est qu’il touche un peu à tout (le marché de l’Art en parallèle, les majorités selon les placements des ouvriers, etc), ce qui le rend complexe inutilement. En effet, il est difficile . Et face à de tels choix, les joueurs auront tendance à prendre celui qui paraît le plus clair et au bénéfice le plus immédiat et n’exploreront pas nécessairement les autres pistes qui s’offrent à eux, d’autant que si la construction d’édifices a bien été optimisée elle rapportera pas loin de 60 PV (par exemple : collectionner les œuvres d’art, s’assurer les services de nombreux notables, etc).
La tendance est à la simplification des règles, sauf dans les jeux de gestion “avancés”, qui au contraire rivalisent de complexité pour intensifier les choix. Je crains malheureusement qu’on n’approche de la limite du supportable (ou bien c’est que j’ai déjà trop vieilli ^^).

Il y a tout de même quelques excellentes idées dans tout ça, qui donnent au jeu une identité claire : Ressources nécessaires à la construction des bâtiments (qui changent à chaque nouvelle construction ce qui introduit une compétition entre les joueurs ou demande un bon timing), perte d’ouvriers à l’hôtel de ville (pour éviter de multiplier les actions bonus gratuites, et force encore une fois le joueur à choisir des actions pour récupérer ses ouvriers ainsi perdus)...

Au niveau de la réalisation, on regrettera une règle passablement pénible à lire qui manque parfois de clarté à cause de nombreuses exceptions, une iconographie et une présentation pas toujours joyeuses qui tendent à quelques confusions qu’un éditeur plus aguerri aurait facilement éviter (et que je pensais ne plus voir chez Pearl Games depuis la réussite de Ginkgopolis).
Certains trouveront que je chipote car ils n’y prêtent plus attention, mais ces aspects nuisent vraiment à l’apprentissage du jeu lors de la première partie (comme je l’avais déjà tristement déploré pour Tournay).
Par contre, au niveau des illustrations, on ne peut que tomber sous le charme tant elles rendent hommage à l’Art Nouveau et aident à l’immersion.

Ma partie de découverte fut à quatre joueurs et ce fut difficile. A deux joueurs, le contrôle est bien meilleur qu’à quatre, ce qui permet un apprentissage en douceur du jeu, de ses mécanismes et de ses articulations. Ce qui fait que je conseille vivement d’y jouer d’abord à deux joueurs (2 - 3 parties suffisent) avant de l’aborder à plus.
La seule adaptation du jeu vient de la pose en début de tour de deux ouvriers neutres qui viendront verrouiller quelques actions disponibles.
Pour le reste, les parties à deux ne sont pas exemptes d'interaction et de choix avec un contrôle plus important qu'à quatre joueurs (notamment au niveau des enchères). Mais je ne pense pas que ce soit la configuration idéale, car elle manque de pression par rapport au jeu à plus.

Bruxelles 1893 est un jeu de gestion varié et aux nombreux choix qui ravira sans doute nombre de joueurs aguerris. Mais personnellement, je le trouve complexe inutilement et pas assez novateur pour le rendre indispensable. J'en retire au final moins de plaisir que des jeux plus simples mais tout aussi riches comme Agricola.
Bien que je ne sois pas sûr de l’intérêt du jeu sur le long terme à deux joueurs, il est indéniable que c’est la configuration idéale pour le prendre en main avant d’y jouer à quatre ou cinq pour des parties plus intenses (mais aussi plus longues).

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