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Agent Hunter

Si je vous parle souvent de jeux de gestion sur ce site, il arrive parfois qu’un jeu à la règle et au matériel épuré atterrisse sur notre table. Ce fut le cas avec Agent Hunter qui m’a été conseillé par un copain.

Le concept du jeu est très simple : les joueurs ont chacun dix agents de valeur 0 à 9. En début de partie, chaque joueur place trois agents face cachée sur la table. Ils sont considérés comme étant en mission. Le but du jeu sera de découvrir quels agents l’adversaire a envoyés.
Pour cela, à son tour un joueur peut soit tenter de démasquer un agent adverse, soit remplacer un de ses agents en mission. Pour démasquer un agent, le joueur joue une carte de sa main en désignant un agent caché adverse. L’adversaire doit alors dire si la valeur de l’agent caché est inférieure, supérieure ou égale à celle de l’agent présenté. Si les valeurs sont égales, alors la couverture de l’agent en mission est découverte.
Il est possible d’attaquer un agent adverse à l’aide d’un de ses propres agents en mission. Et il est également possible de remplacer un agent en mission, mais dans ce cas, le joueur doit placer un jeton sur un agent caché (maximum cinq fois dans une partie).
En fin de partie, chaque joueur marque 1 point par agent découvert plus 1 point par jeton. Ainsi, ce n’est pas toujours celui qui a découvert les trois agents adverses qui gagne la partie.

La règle est tellement simple, qu’elle est immédiatement intégrée par les joueurs. Il suffit ensuite de deux parties pour que les joueurs aient quelques bons réflexes dans leur façon de jouer. Sans vouloir spoiler cette part de découverte qui fait tout le charme du jeu, les joueurs doivent prendre garde aux agents qu’ils dévoilent pour tenter de découvrir ceux de l’adversaire car ils dévoilent en même temps une information précieuse. A noter que le bluff est bien entendu possible (et conseillé), quoique limité.
Si les premières parties s’enchaînent à un rythme effréné au début, il est évident que le jeu perd un peu de son attrait une fois la découverte passée. Mais comme il tient dans la poche et ne demande pas beaucoup de place pour être joué, il est facile de l’emmener partout avec soi et de le sortir de temps à autre (en voyage par exemple).

Côté réalisation, il n’y a pas grand chose à dire, si ce n’est qu’il est appréciable de découvrir que chaque agent a le droit à une illustration originale, dans un style très Comics (avec en plus quelques clins d’œil).
La qualité des cartes n’est pas terrible (cartes très fines), mais suffisante par rapport au nombre de parties qui seront jouées.

A l’heure actuelle, le jeu n’est malheureusement pas disponible en français. Le matériel étant neutre, ce n’est pas gênant durant les parties (il faudra juste être en mesure de lire la règle), mais c’est plutôt au niveau de la disponibilité que cela peut poser problème. J’ai cru comprendre qu’un éditeur français était sur les rangs pour l’adapter, mais ce n’est pas simple de trouver une solution rentable pour un jeu de ce gabarit. En attendant, si votre boutique du coin ne l’a pas, je vous invite à utiliser Knapix pour trouver facilement le jeu auprès des boutiques en ligne.

Agent Hunter est une petite réussite. S’il est vrai que sa durée de vie est limitée, elle est largement compensée par un prix doux et le plaisir qu’on retire des quelques parties jouées. Et c’est un jeu auquel on pourra facilement revenir plus tard grâce à son format idéal pour les voyages.

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Maîtres Couturiers

Sorti en version française en même temps que sa version allemande (merci Filosofia) à l'automne dernier, Maîtres Couturiers nous transporte au XVIIIème siècle sous Louis XIV en pleine période baroque. Les joueurs représentent des couturiers qui vont rivaliser pour proposer les plus belles robes aux nobles afin qu'ils puissent briller lors de soirées mondaines.

Derrière ce thème un peu hors du commun, se cache un jeu de gestion, avec un peu de pose d'ouvriers, de majorité et de deck-building.
A leur tour les joueurs sélectionnent les artisans avec lesquels ils réaliseront leurs actions. En fonction de leur expérience (Apprenti, Compagnon et Maître), ils n'auront pas accès à toutes les actions possibles. Globalement, il faudra recruter de nouveaux artisans, obtenir des ressources pour les robes (Soie, Laine, Dentelle), créer des tenues de bal, investir dans des embellissements du château qui rapporteront des points en fin de partie. Quand une tenue est réalisée, le joueur a le choix entre la vendre pour obtenir de l'argent (toujours utile dans ce jeu), ou la louer et la placer dans une salle de réception pour marquer des points en fin de partie (majorités). Ajoutez à cela quelques bonus divers inhérents à tout jeu de ce type, et vous obtenez un jeu de gestion fort agréable.

La lecture de la règle est simple et ne laisse place à aucune ambiguïté, c'est appréciable.
Les actions disponibles sont clairement identifiables et il y a même des aides de jeux sur le plateau pour rappeler aux joueurs ce qu'ils ne peuvent pas faire avec leurs apprentis par exemple.
Au niveau des mécanismes, même s'il n'y a rien de bien novateur, j'ai particulièrement apprécié les nombreux choix à faire. Ça commence dès le début du tour quand il faut sélectionner trois commis (en fonction de leur expérience mais aussi du bonus qu'ils octroient) en sachant que ceux qui ne sont pas choisis ce tour, devront l'être au prochain. Ça se poursuit bien entendu dans le choix des actions, et l'ordre dans lequel les réaliser (notamment par rapport à l'adversaire), sans parler de la question cruciale de l'argent : vous devrez régulièrement vendre vos robes pour vous donner les moyens de poursuivre votre développement. Mais cela se fait au détriment de points de victoire, ce qui n'est jamais facile.
La construction du deck, bien que simplifiée à l'extrême n'en est pas moins cruciale car elle définit en partie votre stratégie. Et puis il y a cette partie de recrutement des nouveaux commis qui ne peut être réalisée que par des Maîtres, tout comme la création des tenues les plus prestigieuses (et donc les plus chères et rapportant le plus de points de victoire). Ce qui ne manquera pas de vous mettre face à des choix difficiles.
Par conséquent, il sera parfois important de congédier vos commis pour accélérer son développement ultérieur. Si ce type de pratique est courante pour tout joueur de Dominion, elle n'en sera pas moins déroutante ici, car cela vous coûte une action précieuse (votre adversaire poursuit son développement pendant ce temps...).
Il existe heureusement plusieurs stratégies gagnantes, et bien évidemment c'est le joueur qui aura su être le plus opportuniste et qui se sera le mieux adapté qui l'emportera.

La rejouabilité du jeu est assurée par plusieurs facteurs : le hasard de la pioche des tenues et des ressources, et un astucieux système pour l'arrivée des nouveaux commis chaque tour. Même si deux parties ne se ressembleront jamais complètement les stratégies par contre ne change pas. Toutefois, les différences des nouveaux commis et le hasard des tenues inviteront les joueurs à s'adapter à chaque partie.

A deux joueurs, le jeu bénéficie de quelques adaptations bienvenues, notamment au niveau du plateau (l'éditeur a eu la bonne idée de faire une version recto-verso en fonction du nombre de joueurs). Et comme toujours pour ce type de jeu, le contrôle sera maximal, au détriment de l'interaction (il y en a quand même heureusement, notamment pour les majorités dans les salles de bal) et donc de la pression. Il en résulte des parties courtes (45 minutes), mais moins tendues qu'à 4 ou 5 joueurs. Un bon format pour découvrir le jeu, mais dont on se lassera plus vite (3 parties max ?).

Si Maîtres Couturiers n'est pas un jeu innovant (il n'en avait d'ailleurs pas la prétention), il n'en demeure pas moins un bon jeu de gestion poids moyen, bien équilibré, donc parfait pour de nouveaux joueurs.
Les joueurs aguerris en manque de sensations, quant à eux passeront leur chemin pour ne pas être déçus.

Note :Si vous souhaitez en savoir plus sur la genèse du jeu (qui était au départ un jeu de cordonniers de Saint James Street)), je vous invite à parcourir ce petit article de Filosofia qui fait suite à une publication de l'auteur Stefan Malz sur BoardGameGeek (en anglais).

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Crokinole

Cette semaine, fi des jeux de gestion complexes, j'ai décidé de vous présenté le Crokinole, un jeu d'adresse et de palets pour deux à quatre joueurs proposé en France par Ferti.

La règle est ultra simple : chaque joueur dispose de douze palets et le but est d'en placer un maximum au centre du plateau (qui est de forme ronde et de 78cm de diamètre).
Les joueurs lancent chacun leur tour un palet par une pichenette (et théoriquement sans se lever de leur chaise, comme au Carrom). Sur le plateau, trois zones sont délimitées par des cercles. Elles correspondent notamment au score (j'y reviens par la suite). Mais la zone centrale a également deux particularités. Tout d'abord, sur ses limites sont vissés des picots qui viendront perturber les tirs des joueurs (bonjour les ricochets surprise par moments !).
De plus, s'il n'y a aucun palet adverse sur le plateau, quand un joueur lance son palet, il doit l'envoyer dans la zone centrale. S'il n'y parvient pas, le palet est immédiatement retiré du jeu. Si par contre il y a un ou plusieurs palets adverses, le joueur doit en toucher un lors de son tour (et idéalement l'expulser hors du plateau). Là encore, s'il le rate, le palet qui vient d'être lancé est retiré du jeu.
Quand un joueur réussit à placer son palet dans le trou central, le palet est mis de côté et il rapportera 20 points en fin de partie.
Quand les joueurs ont lancé tous leurs palets, chaque joueur calcule son score (5, 10 ou 15 points selon la zone où est situé le palet) et le joueur qui a le plus grand score marque autant de points que la différence des deux scores. La partie se déroule ainsi en plusieurs manches et le premier joueur qui atteint 100 points gagne la partie.

Un dessin valant mieux qu'un long discours, je vous invite à voir les vidéos sur le site de l'éditeur qui vous permettront de mesurer la subtilité du jeu.

La règle ultra-simple du Crokinole permet de se plonger immédiatement dans la partie, et au pire, il suffit de quelques lancers pour que tout le monde ait intégré la règle et ses quelques subtilités.
Il s'agit bien évidemment d'un jeu d'adresse où les joueurs plus adroits (ou expérimentés au fil des parties) s'en sortiront mieux. Les picots centraux vous donneront d'ailleurs bien du fil à retordre lors des premières parties, mais avec un peu d'entraînement vous parviendrez sans problème à les dompter.
Certes, il restera toujours quelques coups qui ne se passeront pas comme c'était prévu. Et c'est sans doute cette petite part de chaos qui donne au jeu tout son intérêt, car cela accroît la pression sur les joueurs qui doivent toujours prendre le temps d'ajuster leur tir.
Et outre le fait de viser pour dégager les palets adverses, au fil des parties les joueurs découvriront les joies de placer des effets lors de leurs tirs pour réussir en plus à mieux placer leur propre palet après l'impact, un peu comme au billard par exemple.
Par rapport au Carrom, le Crokinole est bien plus simple (tant au niveau de la règle que de la prise en main), ce qui le rend tout de suite plus accessible et donc addictif. Car ne vous y trompez pas, après la première partie, vous aurez envie d'y revenir encore et encore tant l'envie de progresser et le plaisir sont forts.

Certes, le Crokinole demande un petit budget à l'achat (et un peu de place dans un coin pour le ranger), mais soyez assurés qu'il sera largement amorti, car la simplicité de sa règle et de sa prise en main lui assurent un succès universel. Le fait qu'il soit jouable également à quatre en équipes est un "plus" non négligeable qui vous assurera d'excellentes fins de soirées entre amis.

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Huit minutes pour un empire

La semaine dernière, j'ai fait un petit sondage sur Twitter pour savoir quel jeu présenter parmi plusieurs. Et les réponses ont été plutôt unanimes autour de Huit minutes pou un empire. J'y vois deux raisons, la première c'est que le jeu n'a pas bénéficié d'une mise en avant lors de sa sortie (en plein entre Essen et le rush de Noël). La seconde c'est que nous savons tous que les jeux de gestion d'empire sont en général longs (notamment car il faut gérer toute la dimension économique). Mais là, le titre est éloquent et vous vend un jeu d'empire en huit minutes seulement. Est-ce vraiment possible ? Comment ?

Dans la boîte se trouvent un plateau représentant une carte du monde (en réalité deux cartes différentes car le plateau est recto-verso), des cartes présentant des ressources (carotte, arbre, minerai...) et des actions. Les joueurs disposent de cubes en bois qui représenteront leur civilisation sur le plateau, et d'un peu d'argent.
A leur tour, les joueurs choisissent une carte parmi six disponibles, selon le principe bien connu maintenant de Rivière. En fonction de sa position la carte coûte entre 0 et 3 pièces. Le joueur place alors la carte devant lui et peut réaliser l'action indiquée sur la carte. Les actions possibles sont : obtenir des renforts (placer des cubes sur le territoire de départ ou sur une ville du joueur), déplacer des cubes éventuellement par mer, construire une ville, détruire un cube adverse... Il n'y a pas de combats dans ce jeu. Lorsqu'un joueur déplace ses cubes sur un territoire où se trouvent déjà des cubes adverses, ils cohabitent pacifiquement.
La fin de la partie arrive après un certain nombre de tours (8 à 4 joueurs, 13 à 2 joueurs). A ce moment là les joueurs comptent leurs points. Ils marquent un point par territoire où ils sont majoritaires, et marquent un point bonus par continent où il sont majoritaires (où ils contrôlent le plus de territoires). Puis ils ajoutent les points des cartes ressources. Ces cartes rapportent plus ou moins de points en fonction de la ressource et du nombre de cartes possédées (par exemple, il faut 3 cartes Carotte pour marquer 1 point alors que 3 cartes joyau rapportent 3 points). Le joueur qui a le plus de points gagne la partie.

Vous l'aurez compris, la règle est simple et confine Huit minutes pour un empire à un jeu de majorités sur le plateau et un jeu de collection avec les cartes (pour les ressources).
Afin de compliquer les choix, l'auteur a introduit la notion de coût des cartes, ce qui permet de limiter quelque peu les joueurs dans leurs choix. En effet, l'argent est limité (les joueurs débutent avec autant de pièces que le nombre de tours plus un, donc 14 pièces pour 13 tours à 2 joueurs, et il est impossible de regagner de l'argent en cours de partie), et l'achat d'une carte à 3 devra être justifié. A noter qu'en plus, l'argent permet de départager les éventuels ex-æquo en fin de partie. Et cela arrive plus souvent qu'on ne le croit, preuve d'un savant équilibrage du jeu par l'auteur.
Cette notion d'argent est d'ailleurs très importante car c'est le seul moyen d'éviter des choix trop automatiques des joueurs. Le reste étant une question d'arbitrage entre les ressources illustrées sur les cartes, et les actions qu'elles procurent.
Les joueurs ayant l'habitude de jeux de territoires choisiront d'ailleurs essentiellement leurs cartes en fonction des actions à réaliser, alors qu'il est tout à fait possible de gagner en se concentrant sur les cartes avec quelques placements opportunistes sur le plateau.

La rejouabilité des parties est assurée par le hasard de l'arrivée des cartes, qui demandera aux joueurs de s'y adapter. Car les actions n'arriveront pas toujours dans l'ordre qu'on souhaiterait. A noter également que les deux plateaux proposés sont suffisamment différents (taille et disposition des continents) pour également permettre un renouvellement des parties.
Enfin, il existe une règle optionnelle que je vous conseille de jouer dès la première partie
A deux joueurs, en début de partie les joueurs vont placer 10 cubes d'une civilisation neutre. Cela permet notamment de conserver l'équilibre entre le score du plateau et celui des cartes. Le contrôle sur la partie est bien sûr maximal. A tel point qu'il arrive couramment qu'il n'y ait plus grand chose à faire dans les deux derniers tours,car tous les cubes ont déjà été utilisés. Je n'ai pas encore essayé, mais je pense que pour plus de tension, il est souhaitable de raccourcir la partie sur 11 ou 12 tours (en ajustant l'argent de départ évidemment).

Et alors, au niveau de la durée, les parties durent-elles vraiment huit minutes ? Pas tout à fait, il faut reconnaître que les parties ont tendance à durer plutôt 12 à 15 minutes, ce qui est tout de même assez court.

Au final, mon avis est mitigé. Techniquement je ne trouve rien à redire. Le jeu tourne très bien et l'équilibrage est parfait. J'admire sa simplicité qui ne réduit pas pour autant les choix.
Les parties sont toujours plaisantes, notamment du fait de leur courte durée. Pourtant, à la fin de la partie, on range le jeu dans sa boîte sans chercher à enchaîner une autre partie. Cela vient sans doute du fait que les parties se déroulent simplement, sans réelle tension car le score n'est évalué qu'à la fin et qu'il n'y a pas vraiment à défendre son territoire face à l'adversaire. Au final, bien qu'agréable, je crains que le jeu ne sorte pas aussi souvent qu'il le pourrait. Nul doute qu'avec un peu plus d'interaction (promesse des jeux de civilisation), il se serait hissé au top.
Pour autant, je ne revendrai pas ma boîte, car peu de jeux permettent des parties de 15 minutes quel que soit le nombre de joueurs, et il aura donc l'occasion de sortir ponctuellement.

Huit minutes pour un empire est donc un jeu de majorité aussi bon à deux joueurs qu'à plus, qui offre l'avantage de parties rapides avec une belle mécanique épurée, mais auquel il manque malheureusement un brin d'interaction pour le rendre aussi addictif que Schotten Totten ou Jaipur.

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1775 - La Révolution américaine

1775 - La Révolution américaine fait partie de ces nouveaux wargames à la croisée des jeux de plateau que certains appellent les "wateaux". Ils appartiennent à la famille des wargames car ils permettent de reproduire un événement historique particulier, mais sont très proches des jeux de plateau par la simplicité de leurs règles.

Dans 1775 - La Révolution américaine, vous allez prendre part à la Guerre d'indépendance américaine qui dura près de huit ans de 1775 à 1783. Le jeu présente quatre factions : Les Patriotes et l'Armée régulière continentale pour les insurgés, et l'Armée britannique et les Loyaliste pour l'Angleterre. Le jeu est de fait jouable jusqu'à quatre joueurs, chacun prenant une faction, ou bien à deux, chacun ayant les deux factions du même camp.

Une partie se déroule sur huit tours ou moins, le but étant à la fin d'avoir plus de colonies que l'adversaire. Un tour d'un joueur est très simple, et se décompose en trois phases, une phase de renforts (où le joueur place ses nouvelles armées et ses troupes précédemment en fuite dans les villes des provinces qu'il contrôle), une phase de mouvements (en jouant une carte qui définit combien d'armées peuvent se déplacer et le nombre de zones qu'elles peuvent parcourir) et une phase de combats (résolue par des jets de dés).
Concernant les cartes Action. Au début de son tour, un joueur a trois cartes en main. Parmi ces cartes, la plupart concerne des ordres de Mouvement, et il y a quelques cartes Événements qui pourront être jouées lors de certaines phases pour apporter des éléments de surprise (mais toujours en rapport avec des faits historiques).
Pour les combats, les joueurs lancent les dés successivement, en commençant par le défenseur. Chaque faction a ses propres dés (en nombre limité), pour rendre compte de ses qualités au combat. Ceci offre l'avantage de coller à la réalité, sans être trop complexe. Les différents résultats possibles sont : élimination d'une unité ennemie, fuite d'une unité de la faction représentée par le dé, et manœuvre qui offre la possibilité de se retirer dans un territoire (neutre ou ami) voisin (très utile pour battre en retraite tout en empêchant l'ennemi de contrôler la colonie). Evidemment, les troupes anglaises ne fuient jamais (3 faces "élimination" et 3 faces "manœuvre" alors que les Patriotes et les Loyalistes ont une chance sur trois de décamper !).
Pour contrôler une Colonie, il faut qu'il n'y ait plus qu'un seul camp présent sur l'ensemble des territoires la composant. Les Indiens sont neutres, tant qu'ils sont seuls dans un territoire. Mais bien évidemment, les différentes factions peuvent les rallier à leur cause en leur envoyant des troupes. Dans ce cas, les Indiens se rallient automatiquement.
Enfin, l'aide étrangère (troupes françaises et hessoises) est présente dans le jeu sous la forme de cartes Événement.

L'intérêt du jeu tient dans sa règle ultra simple qui assure des parties toujours fluides et rapides. Les joueurs ne se posent jamais de question et après la première partie, le livret de règles ne servira plus (épatant pour un wargame !).
La résolution des combats est également très simple, et la présence des dés permet de garder quelques surprises. On assiste aussi parfois à des comportements bizarres, avec par exemple deux unités Loyalistes qui vont réussir à tenir pendant plusieurs tours de combat en éliminant à chaque fois des unités adverses, et puis d'un coup, alors que la victoire est à portée, hop elles fuient ! Je ne vous ferai pas l'affront de vous dire que globalement les chances s'équilibrent au cours d'une partie, vous le savez déjà ^ ^.
La richesse du jeu tient surtout à la difficulté de maintenir suffisamment ses positions pour s'assurer une victoire franche. En effet, le contrôle des colonies n'est jamais acquis et on assiste à de nombreux rebondissements. Et je n'ose parler de l'opportunisme dont chacun devra faire preuve pour, par exemple, priver le joueur Britannique du contrôle de la Nouvelle Écosse ou du Québec juste en envoyant quelques troupes Continentales par bateau. Ce type de manœuvre permettant de gagner du temps sur le reste du front, et d'empêcher l'arrivée de troupes fraîches à cet endroit de la carte.
Car oui, le contrôle des Colonies n'importe pas seulement pour le calcul des points de victoire, mais aussi, et surtout, lors de la phase de Renforts pour amener de nouvelles troupes qui pourront poursuivre les combats dans les territoires ennemis avoisinants. C'est donc un élément stratégique fort qu'il ne faudra pas négliger !

Je n'en ai pas encore parlé, mais la fin de partie peut intervenir avant la fin du huitième tour, si un camp a joué les deux cartes Trêves de ses factions. Ces cartes, peuvent être jouées pour plusieurs raisons ; parce qu'elles sont assez fortes (elles permettent de déplacer de nombreuses armées), parce que le joueur dispose d'une avance qu'il juge confortable (mais attention à ne pas vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué...), ou bien parce que le joueur n'a pas le choix et c'est la seule carte Mouvement qu'il a en main. Et oui, ce dernier point arrive plus souvent qu'on le pense, et représente bien les aléas politiques et diplomatiques qui ont lieu en dehors du conflit sur le champ de bataille.
Cela m'amène à parler du choix parfois limité qu'a un joueur à son tour car il a des cartes Événement en main qui ne sont pas intéressantes à jouer (comme par exemple Colonel Louis pour l'Armée continentale en début de partie) et qui peut l'obliger à jouer prématurément une carte Trêve. Malheureusement, dans ces situations là, le joueur ne pourra pas faire grand chose, et la règle du jeu n'amène aucune solution.

La dynamique du jeu vient aussi du tirage aléatoire de l'ordre de jeu des factions à chaque tour. Cela contraint les joueurs à bien optimiser leurs actions, et à toujours chercher à conforter leurs positions, pour éviter les conséquences d'une contre-attaque. Bien entendu, cela engendrera aussi certains frustrations, car parfois le tirage de votre faction n'arrivera vraiment pas au bon moment. C'est aussi ça les incertitudes de la guerre... ;o)

Au niveau de la rejouabilité, elle est assez bonne. Notamment car la carte est assez grande, la situation de départ suffisamment riche, et les cartes en main en début de partie varient beaucoup. Ajoutez à cela des factions bien différenciées (vous pensez maîtrisez les Britanniques ? Que diriez-vous de jouer maintenant les insurgés ?), et la présence de plusieurs scénarios dans la boîte (un scénario d'initiation, celui de la guerre d'indépendance proprement dite et un autre pour joueurs experts sur le Siège de Québec de fin 1775 avec des cartes spéciales).
Bref, vous n'êtes pas prêts de vous ennuyer. Et la courte durée des parties fait que vous sortirez assez facilement le jeu (et plus souvent que vous ne le croyez).

Au milieu des productions allemandes (et françaises) toutes plus mécaniques et plus froides les unes que les autres, j'avoue que l'arrivée de 1775 - La Révolution américaine est rafraîchissante grâce à son thème fort, et la richesse de ses choix (stratégiques ou pas) tout en sachant conserver une règle simple, sans calcul compliqué de score en fin de partie, ou de petis points de règle inutiles.
Vous l'aurez donc compris, 1775 - La Révolution américaine est une franche réussite. On est loin des wargames aux milliers de jetons plein de chiffres jusque dans les coins. Ici, la présentation proche d'un jeu de plateau traditionnel avec une règle simple permet à merveille de découvrir les simulations historiques. Et il offre en plus l'avantage de parties toujours variées (notamment grâce à plusieurs ouvertures possibles) et dynamiques.
Par contre, il est évident que son thème guerrier et d'affrontement direct n'en fera pas un premier choix pour ceux qui jouent en couple (ces dames trouvant généralement un intérêt plus limité à ce type de jeu). Mais sa règle très accessible (au risque de me répéter) en fait un bon jeu pour jouer avec vos enfants (à partir de 10 ans à condition de les aider à bien mesurer la dimension stratégique de leurs actions).

Remarque 1 : J'en profite pour glisser un petit mot sur 1812 - L'invasion du Canada au passage, qui est un autre jeu dans la collection Birth of America. Il retrace la guere qui oppose en 1812 les Etats-Unis d'Amérique au Canada (encore contrôlé par les Britanniques). Le jeu reprend globalement le même système de règle, mais les quelques différences entre ces deux jeux suffisent à les rendre différents. Dans 1812, les Indiens sont du côté du Canada et devront être utilisés à bon escient pour mener quelques escarmouches en territoire américain par bateau. Les troupes en fuite reviennent en jeu loin du front, ce qui change complètement la dynamique du jeu par rapport à 1775 - La Révolution américaine. Enfin, même les combats n'ont pas la même physionomie, car l'initiative n'est pas attribuée au défenseur (mais au joueur qui possédait le territoire en début de partie).

Remarque 2 : Pour en savoir plus sur la Guerre d'Indépendance, je vous invite à écouter le podcast Temporium de Richard Fremder qui viendra agréablement compléter les trois pages d'informations historiques à la fin du livret de règles.

Migration terminée

Si vous voyez ce message c'est que la migration s'est bien déroulée et que vous êtes sur le nouveau serveur.

8 Masters' Revenge

Il y a deux ans, Serious Poulp nous proposait l'excellent Steam Torpedo, jeu d'affrontement de sous-marins pour deux joueurs. Après deux extensions qui renouvelaient agréablement le jeu, nous étions dans l'attente d'une suite. Hélas, en l'absence de sortie d'une version anglais, le développement de Steam Torpedo est arrêté.

Dans 8 Masters' Revenge, les joueurs incarnent des combattants d'arts martiaux sur un ring, à l'image des jeux vidéo de baston comme Soulcalibur ou Street Fighter. Le ring (et ses limites) est représenté par le plateau de jeu, les positions des combattants et les coups le sont par des cartes. A son tour, un joueur a le choix entre piocher deux nouvelles cartes (avec une limite à 4 maximum en main), ou jouer une carte pour porter un coup.
Quand un coup est porté, la force de l'attaque est comparée à la défense de l'adversaire. Si les deux valeurs sont égales, le coup est porté. Le défenseur aura alors la possibilité de bloquer pour limiter les blessures encaissées, ou de contrer (plus dur à réaliser, mais plus efficace). Les combattants ont des points de vie qu'ils vont perdre à chaque coup reçu. Lorsqu'un des joueurs n'a plus de vie, il perd la partie. Les cartes d'attaque comportent également des effets qui s'activent lorsque le coup est porté. Ces effets sont nombreux, variés, et très proches du thème.
Enfin, le jeu propose huit personnages différents, tous possédant deux pouvoirs. Ces pouvoirs ne s'activent que lorsqu'un joueur a sur son plateau deux cartes de même couleur (il est alors "en furie").

Tout comme Reiner Knizia avait réussi à reproduire un combat d'escrime avec En garde, ici on a vraiment l'impression d'assister à un combat d'arts martiaux. Bien qu'assez mécanique, le jeu ne colle pas moins au thème en présentant notamment la position des mains (et parfois des pieds) sur les illustrations des cartes, mais surtout à travers les différents effets (déplacement sur le ring, jets de clous, imitation de l'adversaire, changement de position), et on sent une certaine expérience en la matière de la part de l'auteur (je peux me trompe sur ce point, mais c'est vraiment l'impression que j'ai eu au cours des parties jouées).

La règle est particulièrement simple puisque seuls deux choix sont possibles par tour. Et la résolution des attaques ne pose pas de problème particulier à partir du moment où on sait compter jusqu'à 10. Les règles du blocage et du contre sont un peu plus complexes, mais sont rapidement comprises par les joueurs, ce qui permet de jouer sans se poser de questions. Pour autant, le jeu n'a pas toujours la fluidité qu'on pourrait espérer car il est important pour les joueurs de bien gérer leur main et d'anticiper pour optimiser leurs attaques (anticipation des valeurs de défense de l'adversaire, jouer une série de cartes de même couleur pour activer le pouvoir de son personnage, avoir des valeurs identiques sur ses cartes pour pouvoir rejouer et enchaîner ainsi les coups), ce qui induit quelques temps de réflexion parfois un peu longs. Heureusement que la limite de cartes en main est de 4, ce qui évite le comportement du collectionneur qui aurait tendance à piocher tous les tours jusqu'à pouvoir enchaîner une succession de coups fatale à l'adversaire.
En contrepartie, le jeu vous demandera de faire des choix incessants. Quatre cartes en main c'est peu, et il va toujours falloir bien les gérer. Il faudra à la fois conserver des cartes afin de pouvoir faire des contres aux moments opportuns, mais également optimiser ses attaques en plaçant des paires sur le plateau afin de pouvoir rejouer un coup, tout en jouant dans les moments de repos les cartes moins inutiles qui polluent un peu la main. D'ailleurs à ce sujet, le jeu alterne des phases de combat où les joueurs vont jouer plusieurs de leurs cartes en quelques tours, et des phases de repos où les joueurs cherchent plutôt à se reconstituer leur main. Savoir placer une attaque forte (3 dégâts), quand la main de l'adversaire n'est composée que d'une seule carte peut être un instant décisif du jeu. C'est aussi dans ces aspects du jeu que le thème ressort très bien.

Au niveau de la réalisation, peu de choses à dire, si ce n'est que la boîte paraît bien grosse par rapport au contenu, mais cela vient sans doute de la taille des plateaux. Les illustrations ne plairont sans doute pas à tout le monde (où sont passées les couleurs chatoyantes de Steam Torpedo ?). Par contre, en matière d'iconographie et de placement des informations c'est tout simplement parfait. La lecture des informations d'une carte est instantanée et on saluera l'idée de reporter les valeurs de la carte sur ses deux côtés.

Je n'ai testé le jeu qu'à deux joueurs, mais sachez qu'il est également possible d'y jouer à quatre en équipe de deux, ou en solo.

Bien que je regrette son côté légèrement calculatoire qui nuit à la fluidité des parties (particulièrement les premières), 8 Masters' Revenge est un jeu de cartes agréable et plein de choix, aux parties souvent tendues et auquel on revient régulièrement, peut-être parce que les mécanismes collent finalement bien au thème. Il nécessite certes un temps d'apprentissage pour en savourer toutes les subtilités, mais cela assure une bonne durée de vie (confortée ensuite par la présence des huit personnages différents).

Pour acheter ce jeu en ligne, essayez mon comparateur Knapix.

Russian Railroads

Russian Railroads est un jeu qui a beaucoup fait parler de lui ces dernières semaines, et pour cause. C'est un jeu originalement proposé par Hans im Glück, éditeur allemand qui nous a déjà offert quelques belles perles par le passé. Et lors du dernier salon d'Essen, c'est lui qui occupait fièrement la première place du classement Fairplay (qui vaut ce qu'il vaut, mais en général le n°1 n'est jamais un mauvais jeu). Un des auteurs n'est autre que Helmut Ohley, le papa des excellents Poseidon et Railroad Barons, des "18XX-like", bref des références parmi les jeux de train exigeants (= réservés à des joueurs initiés). Et pour couronner le tout, cette année nous avons la chance de pouvoir bénéficier d'une version française dès la sortie de la version originale, merci Filosofia !

Le peu que j'avais suivi de ce jeu, c'était l'illustre auteur et le fait qu'il y avait des locomotives de plus en plus performantes. Du coup, je m'attendais à y retrouver des mécanismes propres à 1830 comme l'obsolescence des locomotives. Niet ! Russian Railroads est juste un jeu de pose d'ouvriers. Quand je dis "juste", je ne veux pas être péjoratif, car nous allons le voir, le jeu regorge de bonnes idées. Mais globalement la seule action que feront les joueurs à leur tour de jeu, c'est de placer leurs ouvriers sur une case libre et d'y effectuer l'action associée. Et c'est là que se cache la richesse du jeu : dans la multitude des actions possibles.

Nous sommes dans un jeu allemand, donc malgré l'existence d'un thème, c'est un jeu aux mécanismes bien huilés, et la victoire se déterminera au nombre de points de victoire. Il existe de nombreuses façons d'en gagner : en développant son réseau sur trois voies (Moscou -> Vladivostok, Moscou -> Saint-Pétersbourg, et Moscou -> Kiev), mais aussi en développant son industrie, ou encore en recrutant des ingénieurs.
Et, comme dans tout jeu de pose d'ouvriers qui se respecte, il y a une forte interaction entre les joueurs pour choisir judicieusement quelle action jouer avant qu'elle ne soit prise par les adversaires. Et bien évidemment, au cours de la partie, ce ne seront pas toujours les mêmes actions qui seront privilégiées.

Pour le reste, il n'y a rien à redire. La multitude de choix possibles grâce à la diversité des actions et des axes pour marquer des points de victoire et obtenir des bonus au développement en font un jeu de premier choix pour tout amateur de cubes en bois qui se respecte. Car signe d'un jeu complet et bien pensé, il existe plusieurs stratégies possibles (foncer vers Vladivostok, développer son industrie, les axes secondaires...) et qui semblent avoir été bien équilibrés (normal pour un jeu allemand me direz-vous).

Au niveau de la réalisation, c'est un sans faute. La règle est d'une limpidité inhabituelle pour un jeu d'une telle richesse. Au niveau de l'iconographie, aucun doute n'est possible sur les effets de telle ou telle action ou sur les effets d'une carte. Bref, on sent qu'Hans im Glück n'en est pas à son premier jeu, loin s'en faut ! Enfin, la réalisation des plateaux individuels est exemplaire : malgré la quantité d'informations affichée, tout reste parfaitement lisible, on comprend toujours quelle piste octroie un bonus et comment sont évalués les points de victoire.
Enfin, un petit mot sur le travail des illustrateurs, Claus Stephan et Martin Hoffmann. Ces dernières années, les éditeurs français ont fait très fort en matière d'illustrations. A tel point que désormais les éditeurs allemands n'ont plus d'autre choix que de suivre la cadence. Et ici, c'est encore une fois impeccable. Les illustrations embellissent le jeu sans réduire sa lisibilité, et on retrouve bien la thématique russe. Signe de ces temps nouveaux pour les illustrateurs, ils sont aussi le droit à un court texte de présentation sur le côté de la boîte !

Le seul défaut que je vois à ce jeu, c'est son interaction limitée. Tout se joue au niveau de la pose d'ouvriers. Il y a certes de la pression pour savoir dans quel ordre poser ses ouvriers par rapport aux actions que risque de faire l'adversaire, mais à part ça, le jeu demande une telle optimisation dans ses actions pour maximiser ses points que jamais un joueur n'ira prendre une action juste pour gêner son adversaire. Et il n'existe pas d'autre type d'interaction. Il est en effet impossible d'intervenir sur les plateaux adverses, ni de les stopper dans leur développement (pas de grève des ouvriers par exemple, ou de bombardements comme cela est possible dans Manhattan Project).
Pour faire un peu de hors-sujet, dans le genre, je préfère Manhattan Project qui ajoute des éléments intéressants (récupération des ouvriers, cartes en main gardées secrètes, etc), mais comme il ne tourne pas bien à deux (trop simple) c'est seulement une alternative à Russian Railroads dans une configuration à quatre joueurs.

Et puisqu'on parle de l'adaptation du jeu pour deux joueurs, sachez qu'ici c'est du tout bon. Les auteurs ont su largement adapté leur jeu en réduisant le nombre d'actions disponibles, mais également le nombre de tours, tout en ajoutant un ouvrier. Au final, on se retrouve toujours avec des choix difficiles à faire, même si, du fait de la compétition moins forte, les joueurs restent plus libres dans leurs stratégies, ce qui leur permet de les optimiser. Bref, le jeu à deux est une bonne configuration pour apprivoiser ce jeu.

Si vous aimez les jeux de gestion, Russian Railroads mérite le détour à plusieurs titres. Tout d'abord par la multitude de ses stratégies et de ses choix qui donnent au jeu une rejouabilité importante (et supérieure à la moyenne de ce type de jeu), par la contrainte forte du nombre limité d'actions réalisées et de la frustration qui en découle, par la qualité de sa réalisation, et enfin pour son mode deux joueurs qui fonctionne vraiment (même s'il est tout de même plus simple qu'à quatre joueurs). Mais attention, c'est un jeu exigeant, plutôt conseillé pour des joueurs avertis. Toutes ces qualités nous font largement oublier ses défauts (thème peu présent, aucun mécanisme novateur et interaction limitée).
Sans doute un des meilleurs Hans im Glück depuis longtemps ! (et merci à Filosofia pour la sortie instantanée de la VF)

Yōkaï no Mori - La forêt des esprits

Cette semaine je vous propose de découvrir une nouveauté qui a rejoint les bacs il y a moins de deux semaines. Vous ne rêvez pas, pour une fois sur JeuxADeux nous suivons l'actualité ^^. Je vais donc vous présenter Yōkaï no Mori, la nouveauté de Ferti de cette année.
Yōkaï no Mori est un jeu d'introduction au Shogi (variante asiatique des échecs) pour deux joueurs. A l'origine de ce jeu, on trouve Madoka Kitao, championne de Shogi qui a souhaité créer un jeu pour initier les plus jeunes et amener les femmes au Shogi. Ce jeu s'appelle dōbutsu shōgi ou encore Let's Catch the Lion et s'est déjà écoulé à plus de 500 000 exemplaires (non, non, je n'ai pas mis un zéro de trop !) au Japon depuis 2008.

La règle est simple : le plateau est constitué de 3 x 4 cases, et chaque joueur dispose de quatre pièces. Les kanji ont été initialement remplacés par des animaux dans la version japonaise du jeu (Let's catch the lion). Pour faciliter l'apprentissage du jeu, des points sont placés sur les pièces pour rappeler comment elles peuvent se déplacer. Les règles suivent celles des échecs : à son tour un joueur déplace une de ses pièces, et si celle-ci arrive sur une case occupée par une pièce adverse cette dernière est capturée. Le joueur qui parvient à capturer le koropokkuru (= Roi) adverse est déclaré vainqueur. A noter qu'il existe également une autre façon de gagner en amenant son koropokkuru sur la ligne adverse (plus rare). Par contre, à la différence des échecs, il est possible de remettre en jeu une pièce qui a été capturée sur n'importe quelle case libre du plateau, on appelle ça le parachutage.

Dans son travail d'adaptation, Ferti a remplacé les animaux (jugés trop enfantins) par des yōkaï, des esprits de la forêt, superbement illustrés par Naïade. Pour le reste, la règle du jeu n'a pas changé.
Et la bonne idée de l'éditeur a été d'ajouter dans la boîte le matériel pour jouer une autre variante du Shogi inventée par la Fédération japonaise de Shogi : Le jeu suit toujours les mêmes règles (à part qu'un joueur ne gagne pas s'il amène son koropokkuru/roi sur la ligne adverse), mais il se déroule sur un plateau de 5 x 6 cases et que chaque joueur dispose de 9 pièces.

Les règles sont tellement simples qu'elles sont tout de suite comprises par les plus jeunes, et le succès est garanti. A mon retour d'Essen, je n'ai pas pu toucher le jeu pendant la première semaine car mes enfants enchaînaient les parties !
Mais ne vous y trompez pas, ce jeu n'est pas fait exclusivement pour les enfants, il regorge de subtilités, essentiellement dans le parachutage des pièces capturées. La clé du succès réside dans cette règle, car toute pièce capturée devient une menace susceptible d'arriver n'importe où sur le plateau, en général en renfort d'autres pièces déjà positionnées pour de nouvelles captures. Résultat, ça réfléchit beaucoup autour du plateau, et avec la grande version du plateau il devient difficile d'anticiper les nombreux coups possibles (qu'est ce que ça doit être au Shogi ?!). Mais que la partie (jamais bien longue) soit gagnée ou perdue, on y revient toujours avec plaisir !
Un dernier mot tant qu'à parler de l'accès du jeu aux enfants. Du fait des parties très courtes sur le petit plateau, les enfants seront tout à leur aise et ne risquent pas des pertes de concentration comme c'est souvent le cas aux échecs. Ce jeu n'a que des atouts, je vous dis.

Au final, ce Yōkaï no Mori se révèle être plus intéressant à jouer que le simpliste Chessquito. On est sous le charme dès la première partie (et même avant d'ailleurs tant les illustrations sont sublimes et donnent tout de suite envie d'y jouer). La règle ultra simple, la richesse des choix, et la rapidité (et parfois la violence) des parties font le reste. Enfin, le plateau double face destine le jeu aussi bien à des enfants qu'à des adultes en quête d'un nouveau jeu abstrait d'une grande richesse. Vous ne saviez pas encore quel jeu demander ou offrir à Noël ? Ne cherchez plus.

Retour sur le Spiel '13

Une fois de plus, je me suis envolé pour le salon Spiel '13 qui se tenait dans la ville d'Essen en Allemagne. Petite particularité cette année, j'y allais avec un casquette d'auteur pour présenter mon jeu Zombie 15', une casquette de podcaster pour Proxi Jeux et une (petite) casquette de joueurs pour y trouver des jeux susceptibles de m'intéresser.

Le salon a une fois de plus rencontré un énorme succès puisque l'organisateur a enregistré plus de 156 000 visiteurs (contre 148 000 l'an dernier, une belle progression). A noter que cette année, le salon avait changé de Halls, les anciens étant prévus d'être reconstruits (si j'ai bien suivi). Du coup, il y avait plus d'espace pour jouer (48 000m2), mais surtout tous nos repères et habitudes des années précédentes étaient bousculés. Bien que dérangeant le premier jour car tout le salon tenait en trois grands halls, il faut bien avouer que la nouvelle organisation a gagné en praticité et il est beaucoup plus facile d'aller d'un bout à l'autre en peu de temps et ainsi de pouvoir tenir ses horaires de rendez-vous.

Si 2012 m'avait fait une forte impression et était un bon cru (beaucoup de jeux achetés l'an dernier trônent encore fièrement sur mes étagères), je reste dubitatif sur la production de cette année. Tout d'abord car on assiste à un marché allemand qui peine à se renouveler, et des pays d'Europe de l'est qui n'ont pas encore atteint leur pleine maturité. Certes ils ont de bonnes idées (encore que beaucoup de jeux ont des thèmes guerriers), mais l'équilibrage général est encore à revoir. Mais je ne doute pas qu'ils faudra compter sur eux dans quelques années.
C'est finalement les francophones qui semblent aujourd'hui les plus parés pour le marché actuel : des jeux aux thèmes (et graphismes) forts, sans proposer de la gestion et des cubes en bois à outrance, des illustrateurs qui s'exportent de plus en plus (Marie Cardouat pour Steam Park, Pierô chez Mattel...), et je ne parle même plus des auteurs avec en fer de lance, Hanabi d'Antoine Bauza qui a raflé le Spiel des Jahres cette année (une première pour un jeu de cartes vendu à moins de 10€), ce qui lui a déjà permis de se vendre à près de 500 000 exemplaires !
Si j'ai le temps dans les prochaines semaines, je reviendrai dans un article plus argumenté sur ma perception des évolutions du marché actuel qui sature des jeux de gestion parfois trop froids.

Sur le plan personnel, mon salon s'est réparti entre des rencontres riches pour Proxi-Jeux avec quelques auteurs et éditeurs. Et surtout, j'ai passé la moitié du temps sur le stand tout jaune (et ipossible à manquer) de Iello pour y présenter Zombie 15', mon jeu de zombies frénétique qui paraîtra début 2014. L'accueil par le public a été incroyable (ex: l'avis de Martin Vidberg) et c'était bien dommage qu'il n'y ait pas eu quelques centaines de boîtes à vendre car elles se seraient écoulées comme des petits pains !

Avec tout ça, j'ai eu très peu de temps pour fureter et dégoter des perles introuvables post-salon. Néanmoins, voici quelques retours sur les jeux testés :

  • Steam Park : Un jeu de gestion dans lequel les actions à réaliser sont définies par des jets de dés frénétiques en début de tour. Quelques bonnes idées, mais je n'ai pas été convaincu.
  • S-Evolution : Un jeu de plis pour retracer l'évolution de l'humanité. Une auto-édition et ça se sent, le jeu manque de règlages et de finitions. Nous ne sommes pas allés au bout de la partie.
  • Das Labyrinth des Pharao : Un jeu à la Take it Easy dans lequel les joueurs optimisent un labyrinthe dans une pyramide afin de trouver le maximum de trèsors. Bien aimé, ramené et joué en famille. Bon pick ! Il sera difficile à trouver en France.
  • Space Cadets Dice Duel : Un jeu un peu fou où deux équipes s'affrontent pour détruire le vaisseau adverse. On y lance des pelletées de dés, ça crie, ça hurle (Fire one !) et au final on passe un bon moment, mais je doute un peu de la rejouabilité.
  • Yôkaï no mori : Une introduction au Shogi grâce à Ferti, on en reparle dans la semaine.

En parallèle j'ai eu de très bons échos sur de nombreux jeux qui passeront progressivement sur ma table de tests :

  • Lewis & Clark : En rupture dès le samedi malgré les 600 boîtes disponibles en début de salon.
  • Russian Railroads, de la pose d'ouvriers et des choix à revendre (déjà deux parties depuis mon retour du salon. Critique à venir très prochainement).
  • Caverna, le reboot d'Agricola (mais un peu cher et trop de matos à mon goût)
  • La Route du Verre, le nouveau Rosenberg
  • Bruxelles 1893, je fais entièrement confiance à Pearl Games (en rupture aussi)
  • Concordia, le nouveau Mac Gerdts, qui a remplacé la roue par des cartes Action (et un peu de deck-building, mais ça reste très léger)

Enfin, n'oublions pas quelques rééditions de jeux qui ont déjà été chroniqués (et appréciés) ici :

  • Armadöra : Réédition de Nuggets avec des pouvoirs spéciaux et des graphismes beaucoup plus sympas
  • Glastonbury signe le grand retour de Kupferkessel Co dans une version jouable à quatre joueurs.

Migrato

Cette semaine, je vous propose de découvrir un jeu de cartes uniquement pour deux joueurs, Migrato. C'est un jeu de Florent Toscano qui s'édite lui-même à travers sa maison d'édition Jeux Opla.
Je me méfie toujours des jeux auto-édités, car il leur manque souvent un regard externe qui aide souvent à la finalisation d'un jeu. Mais cette fois-ci, mes doutes ont été rapidement dissipés. Vous allez voir pourquoi.

Dans Migrato, les joueurs vont participer à la migration des oiseaux. Le but du jeu étant de marquer le plus de points possibles en faisant migrer différentes espèces. Pour cela, les joueurs disposent de trois cartes en main. Les cartes représentent les oiseaux parmi cinq espèces (bernache cravant, milan noir, échasse blanche, guêpier d'Europe et sarcelle d'hiver). Pour chaque espèce, il peut y avoir un nombre variable d'oiseaux dessinés sur la carte. La plupart du temps, à son tour de jeu, un joueur va jouer une carte de sa main pour la poser en jeu et former ce qu'on appelle une colonie. Une seule contrainte de pose : la carte jouée doit avoir un nombre égal ou inférieur d'oiseaux que la carte précédemment jouée (en gros, si j'ai 4 bernaches, je ne peux pas la poser sur une carte Bernaches de valeur 3 ou moins). Chaque colonie doit atteindre un nombre requis de cartes pour pouvoir migrer (et ainsi rapporter des points). Comme autres actions possibles, un joueur peut scinder une colonie en deux, ou au contraire réunir deux colonies (utiles quand on a joué des cartes de petites valeurs au départ). Important : un joueur ne peut pas avoir plus de quatre colonies, il va donc falloir gérer. Enfin, il existe également quelques cartes Danger qui permettent à un joueur de voler une carte jouée par l'adversaire et introduire ainsi une petite part d'interaction et de hasard bienvenu. Ajoutez à cela que certaines espèces voyagent la nuit, auquel cas le joueur joue sa carte face cachée. Ce qui ajoute une petite part de bluff dans le jeu. Enfin, à la fin de son tour, le joueur doit se défausser d'une carte et en piocher pour avoir de nouveau trois cartes en main.
Quand un joueur a fait migrer une espèce, il ne peut plus jouer de carte de cette espèce. Et quand, entre les deux joueurs, les cinq espèces ont migré au moins une fois,la partie s'arrête et on compte les points. Le calcul du score final est simple : chaque colonie qui a migré rapporte un nombre de points égal à la plus petite valeur jouée dans cette colonie. Le joueur qui totalise le plus de points gagne la partie.

A la lecture des règles, vous aurez tout de suite remarqué que celles-ci sont très simples. Tant mieux, cela permet des parties très rapides qu'on aura tendance à enchaîner. Si le nombre d'actions disponibles est faible, les choix par contre sont nombreux et permanents. Ce phénomène est renforcé par l'obligation de défausser une carte à la fin de son tour. C'est sans doute le point le plus intéressant du jeu, et ce qui lui donne cette dynamique (à chaque tour, on renouvelle quasiment toute sa main). Autre point important, l'interaction n'est pas cantonnée aux cartes Danger. Elle est en fait permanente notamment à travers la condition de fin de partie qui fait qu'il faut toujours surveiller son adversaire et voir si on peut faire mieux que lui ou au contraire tenter d'accélérer la fin de partie, parce qu'on a l'avantage des points.
Au niveau de la réalisation, c'est parfait. Les illustrations des cartes par Bony sont réussies, et les cartes sont de bonne qualité. Quant à la règle elle est bien écrite et sans ambiguïté. Ça n'a l'air de rien, mais encore une fois, ce n'est pas systématique dans les jeux auto-édités.

En conclusion, Migrato est une petite réussite. Les excellents jeux de cartes pour deux ne sont pas légions, mais voici une petite boîte à ranger près de Jaipur et Schotten-Totten sans hésiter. Comme eux, Migrato propose des parties rapides mais prenantes aux choix permanents. Et pour couronner le tout, la réalisation est à la hauteur. C'est un sans faute pour moi. Bravo à l'auteur-éditeur !

Note : L'auteur a une fibre écologique assez développée et il a donc souhaité donner une orientation éco-responsable à ses éditions de jeux. Cela se retrouve dans ses thèmes, mais aussi dans la conception des jeux qui est entièrement réalisée en France (moins d'impact sur les émissions de CO2 pour le transport, et ça fait marcher des entreprises de chez nous). Jusque là, c'est une démarche appréciable. Mais il ne s'est pas arrêté là. En effet, on retrouve également dans ses livrets de règles un petit discours en rapport avec le thème du jeu. Par exemple dans Migrato, on trouve également une présentation des différentes espèces d'oiseaux représentées dans le jeu, relu par un ornithologue, et un petit tract pour présenter la Ligue Protectrice des Oiseaux.

Pokémon

Alors que vient de déferler la sixième génération des Pokémons sur console Nintendo 3DS, j'ai décidé de vous présenter le jeu de cartes à collectionner. A cela plusieurs raisons : Outre que c'est un bon jeu, mes enfants sont actuellement à fond dedans à l'école, et regrettent toujours que leurs camarades ne connaissent pas les vraies règles du jeu. D'ailleurs, au moment où j'écris ces lignes, mes enfants initient un copain de mon fils.

Historiquement, les Pokémons (contraction de Pocket Monsters) ont été inventés par Nintendo pour donner une suite aux tamagotchis. A la base ce n'était qu'un jeu vidéo, mais avec le succès des Jeux de Cartes à Collectionner dans le sillage de Magic, Wizards of the coast a obtenu la licence pour une adaptation. L'auteur exact du jeu n'est pas connu, mais nul doute que Richard Garfield y a participé, tant le jeu a des atouts.

Contrairement au jeu vidéo où il s'agit d'explorer un monde à la recherche de nouveaux Pokémons, dans le jeu de cartes on ne résout qu'un combat (la collection des Pokémons est hors du jeu au travers des cartes). Chaque joueur commence donc la partie avec un paquet (on parle de "deck) de 60 cartes. Il pioche 7 cartes et en place 6 de côté qui serviront de Récompense. Les cartes représentent à la fois des Pokémons avec des caractéristiques propres (points de vie, attaques, capacité spéciales, faiblesse, résistance et coût de retraite) mais également des énergies qui permettront de lancer des attaques, et des cartes Dresseur qui sont des cartes d'action et qui seront d'une aide précieuse tout au long de la partie. Pour terminer à propos des cartes Pokémon, ils ont plusieurs niveaux dévolution. Au départ, seuls les Pokémons de Base peuvent arriver en jeu. Il est ensuite possible de les faire évoluer en posant dessus un autre Pokémon qui est l'évolution du premier. Il existe deux niveaux d'évolution, et tous les Pokémons n'évoluent pas forcément.

Chaque joueur a un Pokémon Actif qui est le Pokémon qui combat, et jusqu'à cinq Pokémons de Banc qui feront office de remplaçants si le Pokémon Actif est mis KO.
A son tour, un joueur pioche une carte. Puis il peut jouer ses cartes : poser de nouveaux Pokémons en jeu, faire évoluer ses Pokémons, attacher une carte Energie à un Pokémon ou encore jouer des cartes Dresseur (mais pas plus d'une carte Supporter). Le joueur peut également utiliser les Capacités spéciales de ses Pokémons (actif et sur le banc). Puis, il termine son tour par une Attaque sur le Pokémon Actif de l'adversaire. Une Attaque requiert des Energies que le Pokémon doit avoir. En général une Attaque inflige des blessures et peut avoir d'autres effets complémentaires (comme défausser une carte Energie du Pokémon défenseur, ou bien l'affecter d'un état spécial : Paralysé, Empoisonné, Brûlé). Dans le cas général, seul le Pokémon Actif est affecté par une attaque et perd des points de vie. Mais certains Pokémons peuvent également infliger des blessures aux Pokémons de banc (aïe !). A noter que les Pokémons appartiennent à plusieurs grandes familles (Feu, Terre, Eau...) et qu'ils ont des Faiblesses ou des Résistances les uns par rapport aux autres. Cela a un impact après l'attaque dans le calcul des dégâts infligés. Lorsqu'un Pokémon a perdu tous ses Points de Vie, il est K.O. Il est alors défaussé et le joueur défenseur doit alors choisir un de ses Pokémons de Banc qui devient son nouveau Pokémon Actif. Attention, s'il n'a plus de Pokémon sur son Banc, il perd la partie. Quant au joueur qui a réussi le K.O., il pioche une carte Récompense et la met dans sa main. Quand un joueur pioche sa sixième carte Récompense il gagne la partie.

Maintenant que vous y voyez plus clair avec la règle du jeu, je vais pouvoir vous parler des nombreuses forces de ce jeu. Tout d'abord, comme c'est souvent le cas avec un jeu de cartes, et d'autant plus avec un à collectionner, c'est la richesse des choix et des combos (effets combinatoire entre deux ou plusieurs cartes). Ces choix se font tout d'abord dans la construction du deck : trouver quelle stratégie adopter, avec quels Pokémons et quelles cartes Dresseur pour les épauler. Mais ils sont également nombreux durant les parties.
Pokémon a tout à fait sa place à côté de Magic car il a un style bien différent. S'il est rarement possible d'intervenir pendant le tour de son adversaire à Pokémon (ce que beaucoup de joueurs de Magic regretteront), Pokémon a un avantage grâce à ses cartes Dresseur (et notamment les Supporter) qui permettent bien souvent de pouvoir manipuler ses cartes, en permettant d'aller chercher celles dont on a besoin dans son deck (à Magic, on parle de Précepteurs ou de Tutors qui sont le plus souvent limités). C'est clairement une des forces du jeu. En cours de partie, on est rarement coincé dans ses choix par les cartes que l'on a en main. Cela donne plus de liberté aux joueurs pour aller chercher dans leurs decks les cartes dont ils ont besoin pour développer leur jeu et réagir par rapport à leur adversaire. Une différence appréciable pour tout joueur de Magic.
J'ai parlé des choix dans la construction de son deck, ils sont très nombreux. Il suffit pour s'en convaincre de voir les nombreux types de decks joués en tournois. Ce n'est pas celui qui pose le premier le plus gros Pokémon qui gagne la partie. Il existe de véritables synergies entre certains Pokémons, et c'est aux joueurs de trouver comment les exploiter au mieux. Sachez toutefois que c'est la partie la plus chronophage du jeu, mais quel plaisir que d'élaborer de nouvelles stratégies !

La force des Jeux de Cartes à Collectionner, c'est leur dynamisme grâce à la sortie régulière d'extensions. Cela permet de renouveler régulièrement le jeu en proposant de nouveaux Pokémons et de nouvelles stratégies aux joueurs. La contrepartie, c'est bien sûr le coût. Acheter des boosters (pochettes de 10 cartes à la répartition aléatoire), coûte cher, et bien souvent les Pokémons les plus utiles sont parmi les cartes les plus rares. Pour contourner cela, plusieurs solutions s'offrent à vous.
La première c'est l'échange de cartes. Je ne pense bien sûr pas aux échanges dans les cours de récré qui se font sur des bases totalement irrationnelles et pour des cartes qui finissent souvent en triste état. Je pense plutôt aux échanges avec d'autres joueurs du jeu de cartes. Ce sera possible auprès des différentes ligues ou bien sur internet au travers de sites de joueurs passionnés.
La seconde, plus simple est d'imprimer vous même vos cartes. On appelle cela des proxies. L'avantage c'est que cela ne vous coûtera presque rien. Par contre, il est impossible de participer à un quelconque tournoi sans posséder un deck avec 60 cartes officielles. Les proxies servent généralement à tester un deck avant d'acheter réellement les cartes. Mais cela ne posera aucun problème si vous ne jouez que dans un cercle privé. Personnellement, c'est le choix que j'ai fait pour jouer avec mes enfants.

Oubliez les préjugés, Pokémon est un jeu de cartes riche en choix (stratégiques pour la construction du deck, mais aussi tactiques lors des parties) aux parties souvent tendues et agréables (mais parfois un peu longues). Si vous avez des enfants, je ne peux que vous recommandez de les initier, vous ne le regretterez pas. Car cela développe chez eux de nombreuses qualités sur la stratégie notamment quand ils construisent leurs propres decks (et je peux vous garantir qu'ils vous étonneront).

Remarque 1 : J'ai oublié de préciser, mais c'est important : bien qu'il existe des decks pré-construits dans le commerce, n'espérez pas vous faire une bonne idée du jeu avec eux. Ils sont l'antithèse parfaite de ce que doit être un deck à Pokémon. Néanmoins, leur achat peut se révéler utile pour récupérer un livret de règles et un tapis de jeu pour les premières parties. Mais surtout pour récupérer facilement quelques bonnes cartes Dresseur par exemple. Ensuite, pour vraiment découvrir le jeu, mieux vaut se construire un deck selon les bons conseils de Pokécardex.

Remarque 2 : Pour ceux qui voudraient se lancer dans les tournois, sachez que vous y trouverez une ambiance bon enfant, avec des joueurs toujours prêts à accueillir et aider des débutants. Pour vous en convaincre je vous encourage à écouter l'interview du papa du Champion de France Junior 2011 et 2013 par Proxi-Jeux (de plus vous trouverez sur cette page tous les liens utiles pour débuter et progresser).

Mr Jack Pocket

La récente sortie de Mr Jack Pocket sur Android m'a permis de découvrir ce jeu de déduction pour deux joueurs issu directement de Mr Jack.
Pour rappel, Mr Jack est un jeu pour deux joueurs paru il y a déjà quelques années. J'en avais parlé sur ce site à l'occasion de la version très limitée Une ombre sur Whitechapel (250 ex), puis lors de sa sortie chez Hurrican sous le nom de Mr Jack, avant une variante à New York. Quelques temps plus tard, les auteurs ont proposé cette version Pocket, qui offre outre l'avantage d'un prix réduit, un format également réduit, puisque le jeu tient dans une petite boîte carrée. Mais j'avoue ne pas m'être intéressé à cette variante à l'époque, jusqu'à sa sortie sur Android ces derniers jours. Après quelques parties sur mon téléphone, j'ai acheté la boîte pour pouvoir y jouer avec ma femme et mes enfants dans un format plus agréable.

Le challenge des auteurs étaient de reproduire sur un jeu utilisant des cartes les mêmes principes que la version plateau. Et le principal concept, c'est bien sûr la gestion de la lumière qui permet de progressivement éliminer des suspects. Seulement, sur un jeu au plateau de seulement trois cases par trois, il est impossible de conserver la dimension tactique de déplacement des personnages, sans parler des égouts ou des issues qui sont bloquées. Les auteurs ont donc utilisé un stratagème des plus efficaces : en début de partie, on place les neuf suspects sur les cartes (un par carte). Puis, les inspecteurs, au nombre de trois (Sherlock Holmes, Watson et l'inégalable chien) vont patrouiller autour du plateau. A la fin d'un tour, les enquêteurs voient toutes les cartes qui leur font face dans le prolongement de la rue. Mr Jack doit alors indiquer s'il est visible ou invisible. Ce qui permet à l'Enquêteur de retirer des suspects (ou pas).

Ce qui fait toute la richesse de cette version, c'est que les auteurs ont conservé la difficulté dans le choix des actions. En effet, on retrouve le concept de quatre actions disponibles pour le tour. Le premier joueur en choisit une, puis son adversaire en choisit deux, et enfin il joue la dernière action. Quand on sait que les actions permettent de déplacer les enquêteurs d'une ou deux cases, de pivoter et même d'échanger des cartes, on comprend vite la difficulté des choix qui s'offrent aux joueurs et la multitude de possibilités à analyser. Pour autant, on a parfois l'impression de subir le jeu car selon le tirage il est impossible pour Jack de rester caché par exemple. Et comme dans la version plateau, les actions des tours pairs peuvent se déduire automatiquement par rapport aux actions piochées lors du tour impair, mais c'est une gymnastique plus complexe (à cause des rotations et échange de cartes qui peuvent vraiment chambouler le plateau).

Enfin, cette version corrige un peu le défaut qu'avait son aîné, à savoir l'équilibre du jeu. Ici, Jack a de meilleures chances de l'emporter. Pour gagner, il lui faut avoir six sabliers. Il gagne un sablier à la fin de chaque tour où il est invisible. Mais il peut également gagner des sabliers en récupérant des cartes Alibi (une action disponible qui peut également aider l'Enquêteur à éliminer des suspects). C'est d'ailleurs ces cartes Alibi qui aident le plus Jack à s'en sortir car elles sont gardées secrètes jusqu'à la fin du jeu, ce qui peut permettre à Jack de gagner par surprise. Quoiqu'elles puissent paraître forte, finalement ces cartes Alibi sont rarement choisies en premier par mi les différentes actions disponibles.

Si vous n'avez pas encore un Mr Jack dans votre ludothèque, cette version Pocket sera peut-être l'occasion. Elle a pour elle des parties courtes mais intenses en choix (même s'ils sont parfois un peu dictés par le tirage des actions), et un format pratique pour les voyages. Pour autant, elle ne fait pas double emploi avec la version initiale, qui a pour elle des choix difficiles des actions/personnages.

A propos du portage sur Android : Malgré quelques erreurs de jeunesse (en cours de correction par les développeurs), le portage est de bonne facture. Le jeu est animé, facile à prendre en main, et l'IA a un niveau correct (le niveau Facile permet de prendre le jeu en main, le niveau Moyen vous permettra d'affiner votre stratégie, et le niveau Difficile sera celui qui vous amènera un vrai challenge). Je regrette tout de même une version bridée puisqu'il est seulement possible de jouer seul contre une IA. Un mode deux joueurs en Pass & Play ou mieux un mode online seraient grandement apprécié, surtout vu le prix affiché (3,90€) qui est assez élevé par rapport aux autres jeux de société disponible sur Android (toujours trop rares actuellement). Espérons que l'éditeur comprendra rapidement que le marché des tablettes est une opportunité, et non une concurrence aux jeux en boîte. "Wait and see" comme on dit...

Tournay

Après le succès de Troyes (que je n'ai pas aimé à deux joueurs car il manque de tensions), le trio d'auteurs de Pearl Games reviennent avec un jeu dans la même veine graphique, Tournay. Enfin, c'était il y a deux ans, mais il n'est jamais trop tard pour vanter les mérites des bons jeux ^^.

Dans Tournay, les joueurs participent à la construction de la ville, chaque joueur étant en charge d'un quartier (de trois cartes par trois). C'est un jeu de cartes et de placement d'ouvriers savamment orchestré. On retrouve ici les trois couleurs/types de personnages déjà présents dans Troyes, à savoir l'axe militaire (rouge), l'axe religieux (blanc) et l'axe administratif (jaune). Chacun leur tour, les joueurs vont effectuer une action en utilisant des "meeples". Par exemple, quand un joueur utilise des meeples rouges, il peut effectuer une action militaire. Ce peut être de piocher une carte ou bien d'utiliser un de ses bâtiments. Pour piocher des cartes, il existe trois niveaux pour chaque couleur. Les cartes de niveau 2 sont plus puissantes que les cartes de niveau 1 (mais demandent de dépenser 2 meeples au lieu d'un seul) et les cartes de niveau 3 correspondent à des bâtiments de prestige qui rapporteront uniquement des points de victoire en fin de partie (mais il faut 3 meeples pour les piocher). Au départ les joueurs commencent avec seulement 2 meeples de chaque couleur, et il y en a trois dans chaque couleur qu'il est possible d'acquérir au cours de la partie. A noter qu'il est également possible d'utiliser les meeples de l'adversaire, à condition de lui payer 2 pièces.
A noter également la présence d'événements négatifs qui arrivent au hasard dans chaque pioche. Il est possible de se prémunir en utilisant des Remparts, qui rapporteront en plus des points en fin de partie.
La partie se termine quand un joueur termine son quartier ou quand trois événements (à deux joueurs) ont été piochés. C'est alors le joueur qui a le plus de points de victoire qui l'emporte.

Le jeu multiplie les bonnes idées. Tout d'abord dans la pioche, puisqu'il est possible de limiter le hasard tout en imposant des choix aux joueurs. En effet, quand un joueur pioche, il prend les deux premières cartes et choisit celle qu'il conserve, l'autre étant replacée sur la pioche face visible, ce qui la rend disponible à l'adversaire pour un autre type de pioche : prendre la carte visible. Il s'ensuit donc toute une série de choix pour savoir quelle carte prendre entre les deux, surtout quand une des deux intéressera fortement l'adversaire.
Autre excellente idée, la gestion des meeples. Car au fur et à mesure que les meeples sont utilisés, les choix se restreignent. Mais contrairement à d'autres jeux, ici ils ne reviennent pas à le fin d'un tour. C'est au contraire un choix du joueur de reprendre tous ses meeples utilisés, mais cela lui coûte son tour. Il faudra donc surveiller son adversaire pou le faire à un moment où il n'en profitera pas trop.
Enfin, les effets des cartes sont malins, et parfois complémentaires, ce qui poussera les joueurs à rechercher quelques combos. Le découpage entre les trois axes est également bien marqué ce qui permet aux joueurs de choisir différentes stratégies. Au passage, notez que le jeu a été bien testé car il paraît bien équilibré. Dernier point que j'apprécie dans les cartes c'est les Bâtiments de prestige qui permettent au joueur de marquer de nombreux points en fin de partie, mais ils peuvent aussi en rapporter aux autres joueurs (aïe).
Concernant les parties à deux joueurs, c'est une excellente configuration. Les parties sont toujours rapides (20 minutes) et ne perdent pas en interaction (à travers la pioche notamment, mais aussi dans la course aux PV ou encore dans les choix des bâtiments de prestige). Bref, on a vite tendance à enchaîner les parties.

Côté réalisation, pour parler des choses qui fâchent, on mentionnera une iconographie imparfaite, voire même loufoque qui rend la première partie compliquée. En effet, plutôt que de s'inspirer des autres jeux du marché, l'éditeur a suivi sa propre logique (par exemple les flêches pour indiquer quand la carte arrive en jeu sont droite, alors qu'elles sont traditionnellement incurvées dans les autres jeux, etc.). Heureusement une aide de jeu est fournie et la première partie passée, tout paraît plus clair, mais c'est dommage qu'il faille passer outre cette première impression (franchement, la première fois que nous avons joué, j'ai expliqué les règles, puis j'ai distribué les cartes, et quand on a pris nos cartes en main on s'est regardé en se demandant bien ce que voulait dire tous ces signes étranges. Bref, j'ai bien cru qu'on allait ranger le jeu dans la boîte sans même avoir fait un tour de table).
Pour se rattraper, le jeu a pour lui des illustrations (toujours d'Alexandre Roche) très sympa, dans la lignée de Troyes. Et cerise sur le gâteau, le jeu propose d'entrée des cartes supplémentaires qui feront office d'extension une fois le jeu de base maîtrisé. C'est un plus que j'apprécie beaucoup, car l'éditeur aurait pu garder ses cartes pour les distribuer sous forme de goodies sur les salons (l'effet KickStarter n'existait pas à l'époque), mais il ne l'a pas fait, merci à eux !

Ce n'est pas par hasard si Tournay a fini de nombreuses fois dans des sélections de récompenses ludiques prestigieuses (As d'Or, Tric Trac d'Or). C'est un jeu malin, plein de choix et d'interaction qui offre des parties courtes (20 minutes à deux) et toujours prenantes. Bref, c'est une valeur sûre, un de ces jeux qui une fois qu'il est entré dans votre ludothèque n'est pas près d'en sortir.

Ginkgopolis

Pour leur troisième jeu, Pearl Games nous propose un nouveau jeu d'urbanisme. Cette fois-ci, seul Xavier Georges est aux commandes et le thème est futuriste avec un design coloré. Par rapport à Tournay (test à venir car c'est un excellent jeu), les joueurs construisent cette fois-ci la ville ensemble et la réalisation est montée d'un cran avec une iconographie améliorée qui facilite la prise en main du jeu.

Ici, le but du jeu est de prendre la majorité dans différents quarties de la ville. Les quartiers peuvent être de trois couleurs et le nombre de cubes d'un joueur placés sur un bâtiment dépend de la hauteur de la tuile (1 cube sur les tuiles de premier niveau, puis deux cubes au deuxième niveau, etc...). Pour cela, à chaque tour les joueurs choisissent une carte parmi les trois qu'ils ont en main. La carte choisie indique l'action qu'effectuera le joueur. Cela peut-être une construction pour étendre la ville (auquel cas, le joueur place le bâtiment choisi, puis bénéficie d'un bonus en fonction des bâtiments mitoyens), une amélioration (dans ce cas le joueur construit par dessus un bâtiment existant, cela lui permet de récupérer la carte du bâtiment recouvert, ce qui lui permettra de bénficier de bonus lors de certaines actions, ou bien lui octroiera des points de victoire supplémentaires en fin de partie). Il est également possible pour le joueur de simplement défausser la carte (il touche alors une compensation qui dépend du type de carte défaussée). Puis, les joueurs passent leur main (plus une carte prise de la pioche) à leur voisin. Au cours de la partie (vers les 2/3 environ), il arrive un moment où il n'y a plus de tuile dans la pioche. A ce moment-là, les joueurs peuvent remettre dans la pioche des tuiles qu'ils n'ont pas encore jouées, ce qui leur rapporte des points de victoire. Quand la pioche de tuiles s'épuise une nouvelle fois, c'est la fin de la partie et on compte les points (majorité dans les quartiers, points déjà acquis et bonus divers), le joueur ayant obtenu le plus de points gagne la partie.

La force de Gingkopolis, c'est qu'il mêle habilement de nombreux mécanismes, tout en restant fluide et simple avec pourtant des choix difficiles à faire régulièrement. Les joueurs doivent constamment s'adapter à leur main qui change (on saluera au passage la possibilité de défausser entièrement une main qui ne convient pas), à la ville en perpétuelle mutation, et aux actions de leurs adversaires. Quand je parle des choix, il faut savoir qu'il y en a permanence : quelle carte jouer ? quelle orientation donner à son jeu pour les prochains tours ? dans quels quartiers faut-il placer ses forces, etc.

Après y avoir joué dans différentes configurations, et contre toute attente (pour un jeu de majorité), c'est finalement à deux joueurs que le jeu se savoure le mieux. Essentiellement car le contrôle sur le jeu est maximal, mais aussi par son rythme qui ne laisse pas de temps mot aux joueurs et permet de conclure des parties en moins de 45 minutes.

Rares sont les jeux sortis récemment offrant autant de choix (jamais triviaux) et d'interactions (draft, majorités) à deux joueurs que Ginkgopolis. Le fait qu'en plus les parties durent moins d'une heure, en font pour nous un jeu de prédilection pour les soirs de semaine. Assurément notre coup de cœur de fin 2012 qui ressort encore régulièrement.

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