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Questions à
Christophe Berg |
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Christophe Berg est à la tête d'une petite
maison d'édition basée à La Rochelle dont le
jeu phare est Mamba.
Bonjour Christophe. Peux-tu nous présenter rapidement
Toodoo ?
J'ai fondé Toodoo° en juin 1999 à Paris.
Nous nous sommes ensuite installés en janvier 2001 à
La Rochelle. La première activité de la société
était centrée sur du conseil et de la conception/réalisation
de jeux pour des entreprises.
Nous avons ensuite développé une activité de
production de contenus interactif sur internet. Petit à petit,
nous avons pu lancer notre activité d'édition de jeux.
Ce n'est pas toujours facile de se lancer comme ça
dans l'aventure. Quel a été le déclic ? Et
quelle idée de ta future entreprise avais-tu au départ,
juste avant de la créer ?
J'avais une forte volonté d'être indépendant
(après 10 ans en entreprise) et de pouvoir monter un projet
autour de ma passion pour l'écriture de jeux. A ce moment
là, je travaillais comme consultant dans une SSII très
spécialisée sur internet et force est de constater
que je tournais en rond.
Le déclic, c'est un ami m'a rapporté du Bénin
une table de jeu (de près de 60 kg) sculptée avec
le plateau d'Ambarès... j'ai décidé de ne pas
abandonner le projet.
Internet se développait fortement, j'avais remarqué
que les informaticiens ne savaient pas toujours communiquer avec
leurs interlocuteurs non techniques.
J'ai proposé à des agences de communication de faire
l'interface entre eux et les SSII pour les projets "complexes".
Cette activité de chef de projet technique a financé
mes recherches et mon travail sur les jeux.
Et maintenant ?
J'ai gardé cette culture d'entreprise et d'internet.
Je continue à réaliser des jeux sur commande (j'apprécie
le travail sous contraintes). Le studio Toodoo° va sans doute
être plus actif l'année prochaine que l'activité
édition.
Et dans l'avenir, comment vois-tu Toodoo ?
Je souhaite que Toodoo° continue son exploration de mondes imaginaires
et travaille sur des projets de plus en plus plurimédia.
Mais surtout que Toodoo° consolide son image d'artisan très
spécialisé, qui accompagne un éditeur ou producteur
de l'idée à la réalisation, pour que l'on puisse
se focaliser sur notre coeur de métier. Nous voulons simplement
continuer à faire émerger des idées, personnages
& concepts... la distribution à grande échelle,
le marketing sont un autre métier.
En étant ton propre éditeur, tu peux publier
les jeux que tu as imaginé. N'est ce pas un peu risqué.
Je veux dire, n'y a-t-il pas un risque d'autosatisfaction qui te
pousse à sortir un jeu qui ne plaira pas forcément
?
Les enjeux financiers sont un très bon moyen de
garder la tête froide. Un micro-éditeur comme toodoo°
n'a pas vocation à faire de la licences, de la ré-
edition de concepts existants ou de la traduction d'un jeu ayant
marché ailleurs... hors c'est ce qui représente aujourd'hui
85% des ventes des éditeurs.
Nous sommes sur une niche avec des idées et des concepts
novateurs, donc des projets risqués auxquels on laisse le
temps d'émerger.
Et donc, comment sais-tu quel jeu peut être édité
?
Quand le concept tourne parfaitement, qu'il correspond
à notre ligne éditoriale et à un format du
moment.
J'imagine qu'il y a des jeux qui sont finalement restés
à l'état de protos, ils sont nombreux ? Tu peux nous
en parler un petit peu ?
Oui, il y en a une forte, très forte proportion...
Majoritairement ce sont des concepts & idées de jeux
abstraits. J'adore les jeux à 2 sans hasard, mais voilà
c'est le type de jeux le plus difficile à développer
:-(
Comment deviner quelle quantité produire pour un
nouveau jeu ?
C'est plus un soucis financier et de prix pour les joueurs.
En dessous de 5000ex, il est très dur de proposer un jeu
à un prix abordables en boutiques. Nous avons fait le choix
d'avoir des jeux très accessibles.
Enfin, quand tu lances un nouveau jeu, tu estimes à
combien de temps pour qu'il soit rentable ?
On ne calcule pas uniquement comme ça, puisque notre
idée est de valider des concepts pour ensuite laisser leur
déploiement par d'autres éditeurs ou distributeurs.
Mais bon, on est supposé rembourser notre investissement
sur la fabrication en 2 ans.
Tu peux nous donner quelques chiffres sur tes jeux ?
Les jeux sont le plus souvent fabriqués en 5000ex.
Nous ne visons pas de rentabilité à court terme. Nous
avons fait entre l'été & la rentrée 2003
environ 4500 ventes.
C'est plus que nos prévisions même si cela reste très
modeste. Nous distribuons nous même nos jeux via un réseau
de boutiques spécialisées. Et nous commençons
juste à développer ce réseau de distribution.
Pour l'instant, tu n'as édité que tes propres
jeux. Verra-t-on d'autres auteurs édités chez Toodoo°
un jour ?
Je reçois beaucoup de propositions. Si j'ai un coup
de foudre, j'aurai plutôt tendance à aider à
l'amorçage d'un projet pour ensuite trouver un éditeur
ou distributeur plus conséquent et donc en mesure de donner
une vraie chance au jeu.
Des projets de nouveaux jeux ? Pour 2004 ?
Il est prévu plutôt des co-éditions,
mais je vais être surtout occupé par la réalisation
de jeux pour d'autres et peut-être un peu conception de jeu
vidéo. J'ai beaucoup de projets dans les cartons, je verais
à Nürnberg ce qui est susceptible de voir le jour.
Tu étais présent à Essen et sur d'autres
salons, qu'apportent-ils à une entreprise comme la tienne
?
Essen est un salon formidable ! Sur 3-4 jours, on rencontre
pleins de contacts (joueurs, journalistes, éditeurs, auteurs,
distributeurs, ...) & on joue beaucoup. Détail pratique
pour un petit éditeur, c'est un salon qui se rentabilise
"facilement" du fait des ventes importantes.
En France, j'apprécie plus particulièrement les salons
organisés par des associations, où je vais pour jouer
et m'amuser.
2003 semble avoir été une bonne année
pour le monde du jeu (entre autre en France), que penses-tu justement
de ce marché ?
Internet joue un rôle important pour mettre en contact
les joueurs et favoriser la communication entre les passionnés
de jeux de société (comme TT). Internet permet aussi
la mise à disposition de sources d'informations importantes
sur les jeux (à noter le remarquable travail de Mr Haffner,
Rody et de nombreux autres).
Les boutiques spécialisées ont joué un rôle
très important dans la relance du marché avec les
imports de jeux allemands.
Ces facteurs semblent avoir permi de dynamiser les associations
de joueurs, tout ce qui tourne autour du JdS en France et donc les
ventes ;-) Je trouve cela très positif. Il manque un média
fort et des éditeurs privilégiant les auteurs (à
la licence TV ou imports). Mais cela semble évoluer également
de ce côté. J'ai l'impression que beaucoup de jeux
liés à des licences seraient beaucoup plus intéressants
si conçus par des auteurs...
Seul bémol, le développement du nombre de prix et
autres médailles en chocolat... j'hésite presque à
faire figurer sur mes jeux : Ce jeu n'a aucun lien avec la TV et
n'a jamais été vu à la TV. Il est garanti sans
aucun prix remis par un collègue, ni médaille du concours
Lépine. Il y a presque plus de juges, critiques, jury et
autres experts en ludologie avancée que de joueurs, ce qui
renforce le côté microcosme.
Et la tendance actuelle te semble plutôt positive
?
Les associations de joueurs débordent d'initiatives
dynamiques, les boutiques sont actives, les projets des éditeurs
semblent ambitieux. C'est bon signe, si cela peut se confirmer dans
la durée.
Et dans cinq ans ?
Je m'intéresse beaucoup aux mélanges de supports,
au jeu organisé (meta- game)... le jeu online n'en est qu'à
ces balbutiements. Il faut juste inventer des grues pour sortir
les gens de leur canapé et les dé- scotché
de leur télé ;)
Enfin, tu as un petit site internet pour présenter
tes jeux. Quel est ton retour d'expérience là-dessus
?
Je trouve qu'internet est un formidable support. On cottoie
tout & malheureusement n'importe quoi sur le réseau,
raison de plus pour y tenter des choses sympas.
La communauté de Mamba est mon bol d'air pur, j'ai toujours
voulu pouvoir jouer à n'importe quelle heure du jour ou de
la nuit. Quelque soit les difficultés que l'on a pu rencontrer,
le site est resté sans publicité, sans pop-ups intrusives,
juste un lieu pour jouer & discuter.
La dimension communication, communauté, tournois est un aspect
qui m'intéresse beaucoup et sur lequel je travaille.
Penses-tu qu'Internet soit indispensable pour se faire
connaître ?
Je ne sais pas. On ne s'est pas posé la question,
l'utilisation d'internet étant notre première activité.
Cela n'a pas un impact important sur les ventes, mais c'est un bon
moyen de communiquer entre joueurs ou professionnels.
Tu proposes même tes jeux à la vente, voire
même à des tarifs avantageux si on achète des
lots. Cela représente beaucoup de ventes ?
On vend pas trop online. La boutique Mamba est surtout
dédiée aux mambistes ou aux joueurs à l'étranger.
Mais certaines boutiques online vendent bien nos jeux sur internet
comme Phillibert.
Un dernier mot pour la fin ?
C'est un métier où j'apprend tous les jours.
C'est la démarche même d'écrire des jeux qui
m'intéresse le plus. J'espère pouvoir continuer à
ne faire que ça.Je souhaite qu'en Europe, le jeu de société
finisse par être reconnu comme un produit culturel à
part entière ; la conception/réalisation de jeux comme
un vrai métier et qu'ainsi les auteurs de jeux disposent
d'une reconnaissance et d'un vrai statut.
Mais bon je suis un doux rêveur.
Interview réalisée par mail en
janvier 2004