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Questions à
Serge Bouquet |
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Serge Bouquet est sans doute l'auteur le moins connu de
cette série d'interviews. Il est Marseillais et a fondé
Alvéole pour éditer des jeux tels que Par 5 ou la
Tomette marseillaise (on en parle bientôt sur le site, promis).
Il vise une croissance progressive et cherche donc pour l'instant
à s'implanter dans le Sud-Est avant de s'étendre au
reste de la France.
Bonjour Serge. Peux-tu nous présenter rapidement
Alvéole ?
ALVEOLE, cela veut dire Activités Ludiques à
Valeurs Educatives et Organisation de Loisirs Eclectiques, tu vois
tout un programme! mais restons simple c'est une petite SARL de
8000 € (que je n'ai toujours pas perdus) que j'ai fondée
en Août 2002 pour me doter d'une structure réellement
opérationnelle afin de mener à bien mon projet professionnel.
Nous sommes dans le champ économique du microscopiquement
miniature de l'entreprise. Dans les statuts, l'objet de la société
est : la conception, la protection, l'élaboration, la commercialisation
et l'édition de jeux de société ou de toute
autre oeuvre ou produit issus de la propre création des associés
ou des mandats confiés par les auteurs.
ALVEOLE, c'est chaud , c'est miel, c'est technique, c'est kevlar,
c'est abeille, c''est amour, c'est idéal, c'est UTOPIQUE.
j'en ai simplement besoin pour m'exprimer.
Je désire au fond être au service du monde du jeu,
et ce d'une manière trés pragmatique, j'ai bien les
deux pieds ancrés sur terre.
Donc, j'invente, je crée, mais quel est le mot approprié?
Je suis auteur, c'est celui que je préfère, et je
suis en même temps fabricant (je sous-traite localement) donc
éditeur, et j'essaye de mettre en place des réseaux
de commercialisation, donc je suis encore éditeur. J'essaye
d'être un éditeur honnête, proposant des produits
honnêtes, propres et ce, avec aucun moyen finacier. Je me
situe, entre les joueurs à qui je propose des nouveautés,
et les grands éditeurs qui peuvent être interressés
par mes jeux. Et nous voilà revenus à mon rôle
d'auteur. C'est mon ambition : être auteur et vivre de mes
créations (ambitieux le bougre? oui, mais il faut surtout
être têtu et avoir du souffle) Et si les grands éditeurs
ne détournent pas la tête, c'est pas grave car je suis
autonome.
Ce n'est pas toujours facile de se lancer comme ça
dans l'aventure. Quel a été le déclic ? Et
quelle idée de ta future entreprise avais-tu au départ,
juste avant de la créer ?
quelle idée, celle que je viens de décrire.
Je me suis donné cinq ans pour percer, je suis dans le tempo.
2004 sera une année importante, car c'est l'année
du financement. Et oui, le nerf de la guerre c'est les sous, et
je n'en ai pas. Alors je les remplace par de la débrouille,
du travail, de la conviction etc... J'ai surtout réussi et
c'est ce qui est a mon sens le plus difficile, à fabriquer
en micro série, et de manière quand même acceptable.
Je fabrique 200 jeux, je les vends, je refabrique 200 jeux, je les
vends, etc
Donc j'avance, soyons clair, je ne gagne pas ma vie "a ce petit
jeu là", mais je suis là, et demain j'y serai
encore.
Le déclic ? c'est la vie qui s'en est chargé, qui
m'a fait cette proposition de prendre le temps de réfléchir
sur soi, sur la vie, et l'avenir : je parle de plus de dix ans de
ma vie où je me suis retrouvé pour des raisons rocambolesques
au devant d'un million de francs de dettes issues de cautions personnelles
appuyant les emprunts que j'avais effectués pour ma précedente
entreprise. Et puis le feu ! destruction totale, etc, etc. C'est
pas intérressant bien qu'on ait un film sur le sujet, pas
sur mon histoire, mais c'est toutes les mêmes. Je n'ai plus
de dette, et je me suis senti un peu fatigué !!! J'ai travaillé
pour d'autres, une fois, deux fois, trois fois, licenciement, licenciement,
licenciement. J'ai dit "STOP. On fait le point", et la
conclusion était :
- besoin impérieux de créativité
- goût de l'entreprise
- expérience à toute épreuve
- gros intéret pour le jeu en société
ALVEOLE était évident.
Et maintenant ?
Eh ben maintenat on continue, car si je suis dans le tempo,
je ne suis pas encore arrivé. Comme je disais, il faut du
souffle.
Et dans l'avenir, comment vois-tu Alvéole
?
Beau comme un soleil ! Cela ne te surprend pas? J'ai déjà
dû te dire cette petite phrase qui m'accompagne : la valeur
d'un homme ne se juge pas à la manière qu'il a de
marcher mais plus à celle qu'il a de se relever aprés
avoir trébuché. C'est comme ça : j'ai confiance
en moi.
Pratiquement, cette année, je difuserai à plus grande
échelle (pour l'instant c'est la vente par correspondance
qui me fait réellement tourné, avec les salons), mais
n'étant pas superstitieux je n'en dirai pas plus. Mais je
pense que de bons courants sont passé pour me permettre d'être
optimiste. Cette anné verra également, la Tomette
qui va prendre le nom de (c'est un scoop) Tomette Provençale,
et sera fabriqué en vrai tomette de terre cuite de Salernes
en Provence. ça c'est un super coup génial (merci
monsieur MORABITO et merci monsieur BASSET) Le Par : 5
sera également produit en carrelage. Original ? non? Bon
pour l'instant, je ne parle pas de prix (quand on aime on ne compte
pas parait-il). Cette année verra aussi deux nouveuax jeux.
J'ai pas encore décidé lesquels. Un jeu d'ambiance
sûrement et peut-être un jeu pour les enfants de 4 à
7 ans.
Donc, beau comme un soleil.
En étant ton propre éditeur, tu peux publier
les jeux que tu as imaginé. N'est ce pas un peu risqué.
Je veux dire, n'y a-t-il pas un risque d'autosatisfaction qui te
pousse à sortir un jeu qui ne plaira pas forcément
?
Ca c'est une vraiment bonne question, je vous remercie
de me l'avoir posé. Nous pouvons passé
à la prochaine; (je plaisante) c'est une vraiment bonne question.
Comme je te l'ai dit plus haut je suis auteur et éditeur.
J'ai donc une manière de travailler qui fait que quand je
suis auteur, je ne me soucie pas ni de coût, ni fabrication,
ni d'opportunité etc... Surtout parce que créer un
jeu c'est trés compliqué (j'exagère), et quand
tu as l'inspiration, rien ne t'arrête, tu vas au bout de ta
peinture ou de ton roman, car ce qui compte c'est d'aller au bout
de son expression. Aprés l'éditeur, te limite, te
demande de raccourcir, de simplifier etc.. Et ça c'est un
autre boulot, trés dur aussi à mon avis . Et surtout
qui va te dire, c'est le moment de le sortir ou pas, on va faire
des sous ou pas. Là où on tombe d'accord, c'est que
ce sont les joueurs qui décident, nous on propose. La manière
de micro-éditer, sert entre autre à cela. ALVEOLE
a l'ambition d'occuper chaque segment de marché : univers
de lettres (Domimot et Rapidomot)
univers de chiffres (la Tomette), univers de stratégie
(le Par : 5) et donc à venir : ambiance
et jeunes enfants.
Si les joueurs ne veulent pas de tel ou tel jeu, tu ne le reverras
pas sur mon étal, c'est tout.
C'est aussi pour cela qu'il est important qu'ALVEOLE reste "artisanal"
dans son esprit
J'imagine qu'il y a des jeux qui sont finalement restés
à l'état de protos, ils sont nombreux ? Tu peux nous
en parler un petit peu ?
Oui il y en a pas mal, mais comme ALVEOLE est trés
jeune, je n'ai pas encore eu le temps de les mettre sur le marché
et donc de connaitre la réaction du public. On verra. Peut
être finiront ils comme proto effectivement. Il y a une petite
histoire intéressante à ce sujet, c'est Domimot.
le premier jeu avec lequel j'ai fait mon premier salon. Jeu de lettres
: trés original, trop original, mais superbe mécanique.
C'est un jeu "complexe" (pas compliqué) parce que
belle mécanique bien huilée qui tourne super rond.
Mais, tellement différent, qu'il déroute, qu'il dérange,
et qu'il ne se vendait pas bien. Mon pote l'éditeur dit à
l'auteur, "il faut faire quelquechose". J'ai fait Rapidomot
avec la même base de couples de lettres en enlevant les jokers
et les "lettres-points", ce qui donne un jeu hyper simple
et convivial. Les joueurs abordant cette complexite "mémo-phonique"
du jeu avec ce jeu trés simple, se sont mis à comprendre
Domimot, et c'est lui que je vends( parceque dans
la boite il y a les deux jeux Rapidomot et Domimot.)
Comment deviner quelle quantité produire pour un
nouveau jeu ?
ALVEOLE est la réponse : micro-série facilement
fabricable. Et aprés avoir eu l'assentiment du public, tu
peux investir (raisonnablement et en fonction de tes moyens il s'entend)
J'en suis à ce stade, qui vivra verra!
Mais ceci pose un réel problème de l'édition,
c'est le réseau de distribution. On va faire simple : 80
% du marché est occupé par les grands réseaux
( grandes surfaces, grands magasins, réseau spécialisé
affilié, grands catalogues etc...) donc 80 % du marché
qui t'est interdit parceque tu n'as pas les moyens et que c'est
pas ton job. On est ailleurs. Je sais que c'est sûrement ce
qui fait réver un auteur qui pense que son jeu est génial
et qu'il va faire fortune avec. Mais c'est pas mon rêve. Si
effectivement il est génial, il y aura bien quelqu'un qui
viendra me voir et me proposera de faire fortune, en attendant ce
qui m'importe, c'est que mes jeux vivent, c'est à dire qu'ils
soient joués. Et si j'ai de quoi me payer un resto de temps
en temps et partager une bouteille avec mes potes, alors, la vie
est belle.
Pour l'instant, tu n'as édité que tes propres
jeux. Verra-t-on d'autres auteurs édités chez Alvéole
un jour ?
Oui, mais il faut me laisser le temps.
Des projets de nouveaux jeux ? Pour 2004 ?
On en a un peu parlé. Oui, il y aura de nouveaux
jeux.
Allez, je te donne un titre : Total Success (jeu
d'ambiance avec une forte originalité, la manière
de se déplacer).
As-tu déjà étés présent
sur des salons ? Si oui, qu'ont ils apporté à
une entreprise comme la tienne ?
Bien sûr, c'est vital je pense. J'ai commencé
par là, parce que je trouve que c'est magique de pouvoir
être en présence d'un public. Ces gens qui passent,
n'ont ni à te faire plarticulièrement plaisir, ni
à avoir de retenue quant a leurs réactions, et il
aime ou pas. C'est sympa. C'est direct. Ce que cela m'a amené
: de l'apprentissage, de l'expérince, du sentiment, de la
sensation, de l'inspiration, de l'encouragement, beaucoup de choses.
Vu sous l'angle économique que je devine dans ta question,
ça me permet d'établir la notoriété
d'un jeu, l'autre problème étant de trouver le distributeur
correspondant sur le salon. Comme pour l'instant je n'ai que des
petits stands, j'arrive à amortir mes frais et gagner un
petit rab pour continuer, mais si j'avais un grand stand, je ne
pourrais pas le faire. Le coût de ces salons est trop cher
et réservé souvent aux grands éditeurs qui
ne font que de la promotion et ont les budgets adéquats.
Vaste question. Il y a quand même des salons super sympas
(et gratuits), je pense à celui d'Ugine, par exemple. Là
c'est une municipalité qui fait du lien social de l'animation,
cette fameuse notion de rentabilité prend tout son sens dans
mon acceptation. Ce n'est pas le cas d'une société
organisatrice qui a pour but de faire de l'argent, donc de faire
payer etc...J'ai peut-être quelques surprises à ce
sujet dans l'avenir.
2003 semble avoir été une bonne année
pour le monde du jeu (entre autre en France), que penses-tu justement
de ce marché ?
Au fond je n'en sais rien, mais je ne suis pas sûr
que cela ait été une bonne année. J'ai eu la
réaction de responsables de rayon jouets/jeux de grands magasins,
et la fréquentation n'a pas été au plus fort
! Maintenant , les chiffres et les statistiques parleront. Pour
moi, c'est une excellente année, j'ai gagné le droit
de revenir!
Au sujet de ce marché, il est au minimum européen,
économiquement parlant, c'est à dire, pour moi, et
pour l'instant, un autre monde; Mais J'Y SERAI (c'est ma devise).
Et la tendance actuelle te semble plutôt positive
?
Je ne suis pas compétent pour répondre. Je
ne peux parler que de ma petite barque.
Et dans cinq ans ?
J'Y SERAI
Enfin, tu as un petit site internet pour présenter
tes jeux. Quel est ton retour d'expérience là-dessus
?
Il est à l'image de mes jeux : sympathique et artisanal.
Il m'a beaucoup aidé. Non que les visiteurs s'y bousculent,
car c'est encore sur une page perso (c'est un choix pour l'instant).
Mais pour revenir aux salons, c'est là que les gens me retrouvent
et achètent les jeux. Depuis que quelques critiques de jeux
sur internet m'ont fait l'honneur de leurs lignes, je pense à
François
Haffner surtout, à Ludo
le Gars aussi, pardon pour les autres et notamment toi, qui
me cite, ma fréquentation a beaucoup bougé. Maintenant
je ne pense pas que l'on soit encore au tout internet, notamment
pour les ventes.
Penses-tu qu'Internet soit indispensable pour se faire
connaître ?
Au fond oui. Surtout parce que les internautes sont des
gens de qualité avec un jugement intéressant.
Tu proposes même tes jeux à la vente, voire
même à des tarifs avantageux si on achète des
lots. Cela représente beaucoup de ventes ?
A peu pres 40 % de mes ventes (qui sont petites). Il faut
relativiser ces chiffres, car j'ai quand même pas mal de potes
en France qui ont voulu me faire plaisir.
Un dernier mot pour la fin ?
Fin - Suite au prochain épisode ou au prochain salon...
Interview réalisée par mail en
janvier 2004