Après le succès de Troyes (que je n'ai pas aimé à deux joueurs car il manque de tensions), le trio d'auteurs de Pearl Games reviennent avec un jeu dans la même veine graphique, Tournay. Enfin, c'était il y a deux ans, mais il n'est jamais trop tard pour vanter les mérites des bons jeux ^^.

Dans Tournay, les joueurs participent à la construction de la ville, chaque joueur étant en charge d'un quartier (de trois cartes par trois). C'est un jeu de cartes et de placement d'ouvriers savamment orchestré. On retrouve ici les trois couleurs/types de personnages déjà présents dans Troyes, à savoir l'axe militaire (rouge), l'axe religieux (blanc) et l'axe administratif (jaune). Chacun leur tour, les joueurs vont effectuer une action en utilisant des "meeples". Par exemple, quand un joueur utilise des meeples rouges, il peut effectuer une action militaire. Ce peut être de piocher une carte ou bien d'utiliser un de ses bâtiments. Pour piocher des cartes, il existe trois niveaux pour chaque couleur. Les cartes de niveau 2 sont plus puissantes que les cartes de niveau 1 (mais demandent de dépenser 2 meeples au lieu d'un seul) et les cartes de niveau 3 correspondent à des bâtiments de prestige qui rapporteront uniquement des points de victoire en fin de partie (mais il faut 3 meeples pour les piocher). Au départ les joueurs commencent avec seulement 2 meeples de chaque couleur, et il y en a trois dans chaque couleur qu'il est possible d'acquérir au cours de la partie. A noter qu'il est également possible d'utiliser les meeples de l'adversaire, à condition de lui payer 2 pièces.
A noter également la présence d'événements négatifs qui arrivent au hasard dans chaque pioche. Il est possible de se prémunir en utilisant des Remparts, qui rapporteront en plus des points en fin de partie.
La partie se termine quand un joueur termine son quartier ou quand trois événements (à deux joueurs) ont été piochés. C'est alors le joueur qui a le plus de points de victoire qui l'emporte.

Le jeu multiplie les bonnes idées. Tout d'abord dans la pioche, puisqu'il est possible de limiter le hasard tout en imposant des choix aux joueurs. En effet, quand un joueur pioche, il prend les deux premières cartes et choisit celle qu'il conserve, l'autre étant replacée sur la pioche face visible, ce qui la rend disponible à l'adversaire pour un autre type de pioche : prendre la carte visible. Il s'ensuit donc toute une série de choix pour savoir quelle carte prendre entre les deux, surtout quand une des deux intéressera fortement l'adversaire.
Autre excellente idée, la gestion des meeples. Car au fur et à mesure que les meeples sont utilisés, les choix se restreignent. Mais contrairement à d'autres jeux, ici ils ne reviennent pas à le fin d'un tour. C'est au contraire un choix du joueur de reprendre tous ses meeples utilisés, mais cela lui coûte son tour. Il faudra donc surveiller son adversaire pou le faire à un moment où il n'en profitera pas trop.
Enfin, les effets des cartes sont malins, et parfois complémentaires, ce qui poussera les joueurs à rechercher quelques combos. Le découpage entre les trois axes est également bien marqué ce qui permet aux joueurs de choisir différentes stratégies. Au passage, notez que le jeu a été bien testé car il paraît bien équilibré. Dernier point que j'apprécie dans les cartes c'est les Bâtiments de prestige qui permettent au joueur de marquer de nombreux points en fin de partie, mais ils peuvent aussi en rapporter aux autres joueurs (aïe).
Concernant les parties à deux joueurs, c'est une excellente configuration. Les parties sont toujours rapides (20 minutes) et ne perdent pas en interaction (à travers la pioche notamment, mais aussi dans la course aux PV ou encore dans les choix des bâtiments de prestige). Bref, on a vite tendance à enchaîner les parties.

Côté réalisation, pour parler des choses qui fâchent, on mentionnera une iconographie imparfaite, voire même loufoque qui rend la première partie compliquée. En effet, plutôt que de s'inspirer des autres jeux du marché, l'éditeur a suivi sa propre logique (par exemple les flêches pour indiquer quand la carte arrive en jeu sont droite, alors qu'elles sont traditionnellement incurvées dans les autres jeux, etc.). Heureusement une aide de jeu est fournie et la première partie passée, tout paraît plus clair, mais c'est dommage qu'il faille passer outre cette première impression (franchement, la première fois que nous avons joué, j'ai expliqué les règles, puis j'ai distribué les cartes, et quand on a pris nos cartes en main on s'est regardé en se demandant bien ce que voulait dire tous ces signes étranges. Bref, j'ai bien cru qu'on allait ranger le jeu dans la boîte sans même avoir fait un tour de table).
Pour se rattraper, le jeu a pour lui des illustrations (toujours d'Alexandre Roche) très sympa, dans la lignée de Troyes. Et cerise sur le gâteau, le jeu propose d'entrée des cartes supplémentaires qui feront office d'extension une fois le jeu de base maîtrisé. C'est un plus que j'apprécie beaucoup, car l'éditeur aurait pu garder ses cartes pour les distribuer sous forme de goodies sur les salons (l'effet KickStarter n'existait pas à l'époque), mais il ne l'a pas fait, merci à eux !

Ce n'est pas par hasard si Tournay a fini de nombreuses fois dans des sélections de récompenses ludiques prestigieuses (As d'Or, Tric Trac d'Or). C'est un jeu malin, plein de choix et d'interaction qui offre des parties courtes (20 minutes à deux) et toujours prenantes. Bref, c'est une valeur sûre, un de ces jeux qui une fois qu'il est entré dans votre ludothèque n'est pas près d'en sortir.