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Russian Railroads

Russian Railroads est un jeu qui a beaucoup fait parler de lui ces dernières semaines, et pour cause. C'est un jeu originalement proposé par Hans im Glück, éditeur allemand qui nous a déjà offert quelques belles perles par le passé. Et lors du dernier salon d'Essen, c'est lui qui occupait fièrement la première place du classement Fairplay (qui vaut ce qu'il vaut, mais en général le n°1 n'est jamais un mauvais jeu). Un des auteurs n'est autre que Helmut Ohley, le papa des excellents Poseidon et Railroad Barons, des "18XX-like", bref des références parmi les jeux de train exigeants (= réservés à des joueurs initiés). Et pour couronner le tout, cette année nous avons la chance de pouvoir bénéficier d'une version française dès la sortie de la version originale, merci Filosofia !

Le peu que j'avais suivi de ce jeu, c'était l'illustre auteur et le fait qu'il y avait des locomotives de plus en plus performantes. Du coup, je m'attendais à y retrouver des mécanismes propres à 1830 comme l'obsolescence des locomotives. Niet ! Russian Railroads est juste un jeu de pose d'ouvriers. Quand je dis "juste", je ne veux pas être péjoratif, car nous allons le voir, le jeu regorge de bonnes idées. Mais globalement la seule action que feront les joueurs à leur tour de jeu, c'est de placer leurs ouvriers sur une case libre et d'y effectuer l'action associée. Et c'est là que se cache la richesse du jeu : dans la multitude des actions possibles.

Nous sommes dans un jeu allemand, donc malgré l'existence d'un thème, c'est un jeu aux mécanismes bien huilés, et la victoire se déterminera au nombre de points de victoire. Il existe de nombreuses façons d'en gagner : en développant son réseau sur trois voies (Moscou -> Vladivostok, Moscou -> Saint-Pétersbourg, et Moscou -> Kiev), mais aussi en développant son industrie, ou encore en recrutant des ingénieurs.
Et, comme dans tout jeu de pose d'ouvriers qui se respecte, il y a une forte interaction entre les joueurs pour choisir judicieusement quelle action jouer avant qu'elle ne soit prise par les adversaires. Et bien évidemment, au cours de la partie, ce ne seront pas toujours les mêmes actions qui seront privilégiées.

Pour le reste, il n'y a rien à redire. La multitude de choix possibles grâce à la diversité des actions et des axes pour marquer des points de victoire et obtenir des bonus au développement en font un jeu de premier choix pour tout amateur de cubes en bois qui se respecte. Car signe d'un jeu complet et bien pensé, il existe plusieurs stratégies possibles (foncer vers Vladivostok, développer son industrie, les axes secondaires...) et qui semblent avoir été bien équilibrés (normal pour un jeu allemand me direz-vous).

Au niveau de la réalisation, c'est un sans faute. La règle est d'une limpidité inhabituelle pour un jeu d'une telle richesse. Au niveau de l'iconographie, aucun doute n'est possible sur les effets de telle ou telle action ou sur les effets d'une carte. Bref, on sent qu'Hans im Glück n'en est pas à son premier jeu, loin s'en faut ! Enfin, la réalisation des plateaux individuels est exemplaire : malgré la quantité d'informations affichée, tout reste parfaitement lisible, on comprend toujours quelle piste octroie un bonus et comment sont évalués les points de victoire.
Enfin, un petit mot sur le travail des illustrateurs, Claus Stephan et Martin Hoffmann. Ces dernières années, les éditeurs français ont fait très fort en matière d'illustrations. A tel point que désormais les éditeurs allemands n'ont plus d'autre choix que de suivre la cadence. Et ici, c'est encore une fois impeccable. Les illustrations embellissent le jeu sans réduire sa lisibilité, et on retrouve bien la thématique russe. Signe de ces temps nouveaux pour les illustrateurs, ils sont aussi le droit à un court texte de présentation sur le côté de la boîte !

Le seul défaut que je vois à ce jeu, c'est son interaction limitée. Tout se joue au niveau de la pose d'ouvriers. Il y a certes de la pression pour savoir dans quel ordre poser ses ouvriers par rapport aux actions que risque de faire l'adversaire, mais à part ça, le jeu demande une telle optimisation dans ses actions pour maximiser ses points que jamais un joueur n'ira prendre une action juste pour gêner son adversaire. Et il n'existe pas d'autre type d'interaction. Il est en effet impossible d'intervenir sur les plateaux adverses, ni de les stopper dans leur développement (pas de grève des ouvriers par exemple, ou de bombardements comme cela est possible dans Manhattan Project).
Pour faire un peu de hors-sujet, dans le genre, je préfère Manhattan Project qui ajoute des éléments intéressants (récupération des ouvriers, cartes en main gardées secrètes, etc), mais comme il ne tourne pas bien à deux (trop simple) c'est seulement une alternative à Russian Railroads dans une configuration à quatre joueurs.

Et puisqu'on parle de l'adaptation du jeu pour deux joueurs, sachez qu'ici c'est du tout bon. Les auteurs ont su largement adapté leur jeu en réduisant le nombre d'actions disponibles, mais également le nombre de tours, tout en ajoutant un ouvrier. Au final, on se retrouve toujours avec des choix difficiles à faire, même si, du fait de la compétition moins forte, les joueurs restent plus libres dans leurs stratégies, ce qui leur permet de les optimiser. Bref, le jeu à deux est une bonne configuration pour apprivoiser ce jeu.

Si vous aimez les jeux de gestion, Russian Railroads mérite le détour à plusieurs titres. Tout d'abord par la multitude de ses stratégies et de ses choix qui donnent au jeu une rejouabilité importante (et supérieure à la moyenne de ce type de jeu), par la contrainte forte du nombre limité d'actions réalisées et de la frustration qui en découle, par la qualité de sa réalisation, et enfin pour son mode deux joueurs qui fonctionne vraiment (même s'il est tout de même plus simple qu'à quatre joueurs). Mais attention, c'est un jeu exigeant, plutôt conseillé pour des joueurs avertis. Toutes ces qualités nous font largement oublier ses défauts (thème peu présent, aucun mécanisme novateur et interaction limitée).
Sans doute un des meilleurs Hans im Glück depuis longtemps ! (et merci à Filosofia pour la sortie instantanée de la VF)

Yōkaï no Mori - La forêt des esprits

Cette semaine je vous propose de découvrir une nouveauté qui a rejoint les bacs il y a moins de deux semaines. Vous ne rêvez pas, pour une fois sur JeuxADeux nous suivons l'actualité ^^. Je vais donc vous présenter Yōkaï no Mori, la nouveauté de Ferti de cette année.
Yōkaï no Mori est un jeu d'introduction au Shogi (variante asiatique des échecs) pour deux joueurs. A l'origine de ce jeu, on trouve Madoka Kitao, championne de Shogi qui a souhaité créer un jeu pour initier les plus jeunes et amener les femmes au Shogi. Ce jeu s'appelle dōbutsu shōgi ou encore Let's Catch the Lion et s'est déjà écoulé à plus de 500 000 exemplaires (non, non, je n'ai pas mis un zéro de trop !) au Japon depuis 2008.

La règle est simple : le plateau est constitué de 3 x 4 cases, et chaque joueur dispose de quatre pièces. Les kanji ont été initialement remplacés par des animaux dans la version japonaise du jeu (Let's catch the lion). Pour faciliter l'apprentissage du jeu, des points sont placés sur les pièces pour rappeler comment elles peuvent se déplacer. Les règles suivent celles des échecs : à son tour un joueur déplace une de ses pièces, et si celle-ci arrive sur une case occupée par une pièce adverse cette dernière est capturée. Le joueur qui parvient à capturer le koropokkuru (= Roi) adverse est déclaré vainqueur. A noter qu'il existe également une autre façon de gagner en amenant son koropokkuru sur la ligne adverse (plus rare). Par contre, à la différence des échecs, il est possible de remettre en jeu une pièce qui a été capturée sur n'importe quelle case libre du plateau, on appelle ça le parachutage.

Dans son travail d'adaptation, Ferti a remplacé les animaux (jugés trop enfantins) par des yōkaï, des esprits de la forêt, superbement illustrés par Naïade. Pour le reste, la règle du jeu n'a pas changé.
Et la bonne idée de l'éditeur a été d'ajouter dans la boîte le matériel pour jouer une autre variante du Shogi inventée par la Fédération japonaise de Shogi : Le jeu suit toujours les mêmes règles (à part qu'un joueur ne gagne pas s'il amène son koropokkuru/roi sur la ligne adverse), mais il se déroule sur un plateau de 5 x 6 cases et que chaque joueur dispose de 9 pièces.

Les règles sont tellement simples qu'elles sont tout de suite comprises par les plus jeunes, et le succès est garanti. A mon retour d'Essen, je n'ai pas pu toucher le jeu pendant la première semaine car mes enfants enchaînaient les parties !
Mais ne vous y trompez pas, ce jeu n'est pas fait exclusivement pour les enfants, il regorge de subtilités, essentiellement dans le parachutage des pièces capturées. La clé du succès réside dans cette règle, car toute pièce capturée devient une menace susceptible d'arriver n'importe où sur le plateau, en général en renfort d'autres pièces déjà positionnées pour de nouvelles captures. Résultat, ça réfléchit beaucoup autour du plateau, et avec la grande version du plateau il devient difficile d'anticiper les nombreux coups possibles (qu'est ce que ça doit être au Shogi ?!). Mais que la partie (jamais bien longue) soit gagnée ou perdue, on y revient toujours avec plaisir !
Un dernier mot tant qu'à parler de l'accès du jeu aux enfants. Du fait des parties très courtes sur le petit plateau, les enfants seront tout à leur aise et ne risquent pas des pertes de concentration comme c'est souvent le cas aux échecs. Ce jeu n'a que des atouts, je vous dis.

Au final, ce Yōkaï no Mori se révèle être plus intéressant à jouer que le simpliste Chessquito. On est sous le charme dès la première partie (et même avant d'ailleurs tant les illustrations sont sublimes et donnent tout de suite envie d'y jouer). La règle ultra simple, la richesse des choix, et la rapidité (et parfois la violence) des parties font le reste. Enfin, le plateau double face destine le jeu aussi bien à des enfants qu'à des adultes en quête d'un nouveau jeu abstrait d'une grande richesse. Vous ne saviez pas encore quel jeu demander ou offrir à Noël ? Ne cherchez plus.

Retour sur le Spiel '13

Une fois de plus, je me suis envolé pour le salon Spiel '13 qui se tenait dans la ville d'Essen en Allemagne. Petite particularité cette année, j'y allais avec un casquette d'auteur pour présenter mon jeu Zombie 15', une casquette de podcaster pour Proxi Jeux et une (petite) casquette de joueurs pour y trouver des jeux susceptibles de m'intéresser.

Le salon a une fois de plus rencontré un énorme succès puisque l'organisateur a enregistré plus de 156 000 visiteurs (contre 148 000 l'an dernier, une belle progression). A noter que cette année, le salon avait changé de Halls, les anciens étant prévus d'être reconstruits (si j'ai bien suivi). Du coup, il y avait plus d'espace pour jouer (48 000m2), mais surtout tous nos repères et habitudes des années précédentes étaient bousculés. Bien que dérangeant le premier jour car tout le salon tenait en trois grands halls, il faut bien avouer que la nouvelle organisation a gagné en praticité et il est beaucoup plus facile d'aller d'un bout à l'autre en peu de temps et ainsi de pouvoir tenir ses horaires de rendez-vous.

Si 2012 m'avait fait une forte impression et était un bon cru (beaucoup de jeux achetés l'an dernier trônent encore fièrement sur mes étagères), je reste dubitatif sur la production de cette année. Tout d'abord car on assiste à un marché allemand qui peine à se renouveler, et des pays d'Europe de l'est qui n'ont pas encore atteint leur pleine maturité. Certes ils ont de bonnes idées (encore que beaucoup de jeux ont des thèmes guerriers), mais l'équilibrage général est encore à revoir. Mais je ne doute pas qu'ils faudra compter sur eux dans quelques années.
C'est finalement les francophones qui semblent aujourd'hui les plus parés pour le marché actuel : des jeux aux thèmes (et graphismes) forts, sans proposer de la gestion et des cubes en bois à outrance, des illustrateurs qui s'exportent de plus en plus (Marie Cardouat pour Steam Park, Pierô chez Mattel...), et je ne parle même plus des auteurs avec en fer de lance, Hanabi d'Antoine Bauza qui a raflé le Spiel des Jahres cette année (une première pour un jeu de cartes vendu à moins de 10€), ce qui lui a déjà permis de se vendre à près de 500 000 exemplaires !
Si j'ai le temps dans les prochaines semaines, je reviendrai dans un article plus argumenté sur ma perception des évolutions du marché actuel qui sature des jeux de gestion parfois trop froids.

Sur le plan personnel, mon salon s'est réparti entre des rencontres riches pour Proxi-Jeux avec quelques auteurs et éditeurs. Et surtout, j'ai passé la moitié du temps sur le stand tout jaune (et ipossible à manquer) de Iello pour y présenter Zombie 15', mon jeu de zombies frénétique qui paraîtra début 2014. L'accueil par le public a été incroyable (ex: l'avis de Martin Vidberg) et c'était bien dommage qu'il n'y ait pas eu quelques centaines de boîtes à vendre car elles se seraient écoulées comme des petits pains !

Avec tout ça, j'ai eu très peu de temps pour fureter et dégoter des perles introuvables post-salon. Néanmoins, voici quelques retours sur les jeux testés :

  • Steam Park : Un jeu de gestion dans lequel les actions à réaliser sont définies par des jets de dés frénétiques en début de tour. Quelques bonnes idées, mais je n'ai pas été convaincu.
  • S-Evolution : Un jeu de plis pour retracer l'évolution de l'humanité. Une auto-édition et ça se sent, le jeu manque de règlages et de finitions. Nous ne sommes pas allés au bout de la partie.
  • Das Labyrinth des Pharao : Un jeu à la Take it Easy dans lequel les joueurs optimisent un labyrinthe dans une pyramide afin de trouver le maximum de trèsors. Bien aimé, ramené et joué en famille. Bon pick ! Il sera difficile à trouver en France.
  • Space Cadets Dice Duel : Un jeu un peu fou où deux équipes s'affrontent pour détruire le vaisseau adverse. On y lance des pelletées de dés, ça crie, ça hurle (Fire one !) et au final on passe un bon moment, mais je doute un peu de la rejouabilité.
  • Yôkaï no mori : Une introduction au Shogi grâce à Ferti, on en reparle dans la semaine.

En parallèle j'ai eu de très bons échos sur de nombreux jeux qui passeront progressivement sur ma table de tests :

  • Lewis & Clark : En rupture dès le samedi malgré les 600 boîtes disponibles en début de salon.
  • Russian Railroads, de la pose d'ouvriers et des choix à revendre (déjà deux parties depuis mon retour du salon. Critique à venir très prochainement).
  • Caverna, le reboot d'Agricola (mais un peu cher et trop de matos à mon goût)
  • La Route du Verre, le nouveau Rosenberg
  • Bruxelles 1893, je fais entièrement confiance à Pearl Games (en rupture aussi)
  • Concordia, le nouveau Mac Gerdts, qui a remplacé la roue par des cartes Action (et un peu de deck-building, mais ça reste très léger)

Enfin, n'oublions pas quelques rééditions de jeux qui ont déjà été chroniqués (et appréciés) ici :

  • Armadöra : Réédition de Nuggets avec des pouvoirs spéciaux et des graphismes beaucoup plus sympas
  • Glastonbury signe le grand retour de Kupferkessel Co dans une version jouable à quatre joueurs.
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