Keyflower
Par Guillaume LEMERY, dimanche 10 mars 2013 :: Jeux
Après quelques années d'absence, Richard Breese est de retour avec un nouveau jeu de gestion dans les série des "Key".
Après avoir bien buzzé lors du salon d'Essen 2012, il vient tout juste d'arriver en français par l'intermédiaire de Gigamic. Jusqu'ici, j'avoue ne pas avoir été séduit par les précédents jeux de la série. Voyons si celui-ci fera mieux.
À la première lecture de la règle, j'ai eu l'impression de me trouver face à un jeu d'enchères. L'autre aspect qui m'a marqué c'est que le jeu se déroule sur quatre saisons, comme Myrmes sorti en même temps. Mais ici, le jeu ne dure qu'une année, autrement dit, il va falloir bien optimiser ses actions en quatre tours pour maximiser son score.
L'idée est que chaque joueur va devoir développer son village. Pour cela il dispose de travailleurs (des meeples de Carcassonne, autrement appelés keyples par l'auteur). Ces travailleurs pourront servir soit à enchérir sur des tuiles bâtiment qui permettront d'agrandir le village, soit d'utiliser les bâtiments. Tous les bâtiments sont utilisables : ceux du village, mais également ceux des villages adverses ou encore ceux mis aux enchères. Contrairement à des jeux comme Le Havre ou Ora & Labora, il est possible d'utiliser plusieurs fois un même bâtiment. Mais il y a quelques contraintes.
Tout d'abord les travailleurs existent en trois couleurs (bleu, jaune et rouge) et au début de la partie les joueurs prennent huit travailleurs au hasard. Donc, si un joueur a placé un travailleur bleu sur un bâtiment, le prochain joueur qui souhaitera utiliser ce bâtiment devra placer deux travailleurs de la même couleur. Au maximum on ne peut placer que six travailleurs sur un bâtiment. On voit déjà ici un premier point important de choix (quelle couleur utiliser pour une action donnée) et d'interaction (choisir une couleur qui empêchera l'adversaire de réaliser la même action).
Pour les enchères, celles-ci sont résolues très simplement : un joueur place à côté de la tuile désirée un ou plusieurs travailleurs de la même couleur. Si un joueur souhaite surenchérir, il devra placer plus de travailleurs et bien sûr ils devront être de la même couleur. Et si je vous dis que plus tard dans le jeu il est possible d'obtenir (uniquement via les actions des bâtiments) des travailleurs verts, vous voyez déjà les possibilités qui vous sont offertes pour vous assurer certains bâtiments, à moins que les autres joueurs aussi n'investissent dans les travailleurs verts ? Hé hé.
Dernier point à savoir au niveau des travailleurs, c'est qu'à la fin du tour, vous ne récupérez que ceux qui sont situés dans votre village, les autres (enchères, placés sur des bâtiments qui sont dans les autres villages) sont perdus.
Pour la construction du village rien n'est simple non plus : à la fin du tour, vous ajoutez les bâtiments gagnés aux enchères, mais attention à respecter les routes dessinées sur les tuiles. Et plus important encore, certains bâtiments produisent des marchandises qu'il faudra ensuite déplacer pour améliorer d'autres bâtiments. Ceci se fait grâce à des bâtiments de transport très pratiques. D'ailleurs la tuile de départ est forcément un bâtiment de transport. Ce petit côté Roads & Boats dans l'optimisation du placement des tuiles n'est pas pour me déplaire.
Un bâtiment amélioré rapporte plus de points de victoire en fin de partie, et voit ses effets améliorés. Par exemple la mine permet de produire de l'or quand elle est améliorée.
Et puisqu'on en est aux points de victoire, ceux-ci sont calculés après le dernier tour (l'hiver). L'hiver est une saison particulièrement importante car tous les bâtiments servent uniquement à marquer des points de victoire. Alors qu'aux saisons précédentes les bâtiments proposés sont prix au hasard, en hiver ce sont le joueurs qui décident de ceux qui seront disponibles. En effet, en début de partie, chaque joueur se voit attribué un certain nombre de tuiles hiver (3 à deux joueurs), qu'il conserve face cachée. Cela lui permet déjà d'orienter sa stratégie au cours de la partie. Puis au début de l'hiver chaque joueur choisit quels bâtiments il souhaite finalement proposer. Bien entendu, après quelques parties, les joueurs connaissent un peu mieux les différents objectifs disponibles et peuvent donc anticiper sur les bâtiments de leurs adversaires en fonction de leur façon de jouer. Et c'est là que les travailleurs verts peuvent faire très mal...
Je ne vous ai pas parlé des bateaux qui arrivent en été et qui permettent d'obtenir des bonus par rapport aux autres joueurs, ni des tuiles compétences qui sont une autre ressource à gérer. Mais je pense que vous l'aurez compris, le jeu est très riche. Il est riche en choix car il faut toujours gérer au mieux son stock de travailleurs, construire son village de manière optimum, anticiper le décompte final par rapport aux bâtiments hiver connus, etc. Il est également riche en interaction car il faut gérer les enchères mais aussi les autres actions possibles des joueurs, notamment pour l'utilisation des bâtiments, et enfin anticiper les bâtiments hiver des adversaires. Jouer en ne regardant que son village serait une grave erreur.
Au niveau de la réalisation, c'est du tout bon : la boîte regorge de matériel (plus de 140 meeples !) et toutes les tuiles bâtiments sont joliment illustrées par Juliet Breese comme les autres jeux de la série, ce qui leur donne une identité forte. Enfin, mention spéciale aux écrans des joueurs en forme de maison avec même le décor intérieur !
À deux joueurs, Keyflower est très agréable. Une partie demande moins d'une heure, avec un contrôle maximal sur le jeu par rapport à une partie à quatre ou même à six qui peut paraître un peu longue.
Les parties toujours renouvelées grâce au tirage aléatoire des bâtiments, les choix permanents et le savant mélange d'enchères et de pose d'ouvriers en font un incontournable pour tous les amateurs de pose d'ouvrier et d'optimisation. Un jeu qui remportera sans doute plusieurs récompenses ludiques dans l'année...